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Démonstration Paris Philharmonie 12/06/2017 - et 7 décembre 2017 Arnold Schoenberg : Concerto pour violon, opus 36
Richard Strauss : Eine Alpensinfonie, opus 64 Isabelle Faust (violon)
Orchestre de Paris, Daniel Harding (direction)
I. Faust (© Felix Broede)
Il fallait bien une scène aussi vaste que celle de la salle Pierre Boulez, à la Philharmonie de Paris, pour accueillir un Orchestre de Paris au grand complet dans une œuvre aussi monumentale que la Symphonie alpestre (1915) de Richard Strauss (1864-1949)! Les huit contrebasses occupent ainsi toute la gauche de la scène, séparées de l’orgue par le reste de la phalange où les bois s’affichent par quatre, les cors étant évidemment renforcés puisqu’au nombre de neuf, sans compter les multiples percussions (deux jeux de timbales, les cloches, la machine à vent...) requises par une pièce que l’Orchestre de Paris n’avait pas jouée depuis 2012, sous la baguette d’Andris Nelsons. C’était alors salle Pleyel. Daniel Harding dirigea une version des plus convaincantes de la Symphonie alpestre dont il convient de se souvenir qu’il en a d’ailleurs réalisé un splendide enregistrement à la tête du Saito Kinen Orchestra. Dès «La Nuit» introductive, les basses imposent un climat incroyable, offrant aux trombones et tubas une entrée des plus rondes et solennelles. L’enchaînement des vingt-deux épisodes s’effectue avec un indéniable sens de la progression (comme il convient lorsqu’on escalade une montagne...) même si Harding tend parfois à trop «séquencer» le discours (à la limite, on entend parfois trop les détails de l’orchestre comme dans le passage «Tonnerre et orage, descente» au détriment du climat global) et à gommer certains effets. Ainsi, le passage «Sur les pâturages» s’avère assez retenu (quels timbres pourtant que ceux de cette petite harmonie!) et la peur ne nous gagne guère lorsqu’on se trouve «Sur le glacier». Mais le reste est splendide! Même si l’orchestre s’avère parfois massif, difficile de résister à cette armada de cors emmenés par l’impérial André Cazalet, qui fut véritablement «Au sommet» tout au long de l’œuvre. Les cordes confèrent aux passages élégiaques toute l’ampleur et la richesse sonore requises: même si l’on aurait souhaité une légère suspension des cordes plutôt qu’un enchaînement immédiat entre le «Tonnerre et orage, descente», où l’ensemble des percussionnistes put s’en donner à cœur joie, et le «Coucher du soleil», l’orchestre se montre plus qu’à la hauteur de cette œuvre redoutable dont l’exécution fut vivement saluée par le public.
Public qui avait été auparavant comblé par le rarement donné Concerto pour violon (1940) d’Arnold Schoenberg (1874-1951) car, outre la découverte de l’œuvre pour beaucoup, l’intérêt résida avant tout dans la superbe interprétation qu’en donna Isabelle Faust. D’une redoutable difficulté technique, le concerto débute par un premier mouvement (Poco allegro) qui relève davantage du poème symphonique avec violon obligé, tant l’entremêlement des voix et des motifs nous éloigne d’un jeu soliste avec soutien orchestral. Cordes d’une finesse absolue (les aigus!) mais également capables de timbres râpeux, archet d’une souplesse sans égal, Isabelle Faust parvient à nous faire oublier toute la technique requise tant l’ensemble se déroule avec naturel. Le deuxième mouvement (Andante grazioso) offre au violon, dont le jeu s’apparente à une sorte de frivolité vaporeuse, un très beau soubassement lyrique où les cordes de l’orchestre, mais aussi les échanges entre les bois (clarinette et basson en premier lieu) et la soliste, retrouvent un cadre relativement classique. C’est le troisième mouvement qui, sans doute, est à même d’étonner davantage: s’il est le plus «concertant» au sens classique du mot, il se caractérise surtout par une rythmique conquérante, presqu’obsédante, où la partie soliste s’avère le plus acrobatique, passant du jeu sur plusieurs cordes à des sauts harmoniques diaboliques. Inutile de dire qu’Isabelle Faust, sans jamais se départir d’un jeu étincelant, se joue de ces chausse-trappes avec une facilité qui tend à la démonstration, l’orchestre conduit avec beaucoup de sobriété par Daniel Harding contribuant au triomphe largement mérité remporté par la violoniste allemande.
Sébastien Gauthier
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