About us / Contact

The Classical Music Network

Berlin

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Bernard Haitink en majesté

Berlin
Philharmonie
12/02/2017 -  et 3, 4 décembre 2017
Gustav Mahler : Symphonie n° 9
Berliner Philharmoniker, Bernard Haitink (direction)


B. Haitink (© Todd Rosenberg)


Une fois n’est pas coutume: le concert des Berliner Philharmoniker donné ce soir ne concluait pas l’habituelle série des trois concerts donnés les jeudi, vendredi et samedi, mais en ouvrait une, le programme devant être donné le samedi et deux nouvelles fois, le dimanche et donc le lundi. Affluence des grands soirs pour une configuration que l’on pourrait presque qualifier d’idéale puisqu’elle nous permettait de retrouver le grand chef néerlandais à la tête d’un des plus beaux orchestres du monde dans une de ses œuvres fétiches, la Neuvième Symphonie de Gustav Mahler (1860-1911).


Berlin dans la Neuvième: un miracle que l’on peut entendre au disque (avec notamment trois captations en concert, à la Philharmonie, signées Bernstein en 1979, Karajan en 1982 et Abbado en 1999) et que l’on a eu la chance d’entendre au concert, sous la direction là aussi du chef italien, salle Pleyel le 20 octobre 1995. Alors, pourquoi cette impression certes d’un magnifique concert mais, tout de même, de sentiment d’inachevé, d’un concert où l’on attendait peut-être trop et où l’on n’aura obtenu que beaucoup? Car Bernard Haitink, qui connaît cette œuvre sur le bout des doigts (certes, ce soir, il tourne les pages de la partition posée sur son pupitre mais sans doute plus par réflexe que pour véritablement suivre les interventions des musiciens), n’a pas toujours donné le sentiment de pouvoir pousser l’œuvre dans ses confins les plus terribles et les plus intimes.


Dès le premier mouvement (Andante comodo), Berlin s’impose néanmoins avec évidence: si les premières notes trahissent peut-être une certaine fébrilité, l’entrée des seconds violons fait immédiatement montre d’une noblesse et de sonorités qui laissent rêveur. Néanmoins, la polyphonie de la partition n’oppose pas avec suffisamment d’alacrité les cordes et les vents, l’ensemble demeurant globalement assez sage. Sans dire que tout cela est lisse, le jeu de l’orchestre s’avère assez éthéré et finit par gommer les contrastes et les accents, même les coups de cymbales paraissant étonnamment mesurés. Les solistes témoignent pourtant d’une grande forme à l’image du Konzertmeister du jour, Noah Bendix-Balgley, de l’altiste Naoko Shimazu, du trompettiste Gábor Tarkövi ou du corniste David Cooper, qui faisait d’ailleurs là ses vrais débuts au poste de cor solo (recruté par le Philharmonique de Berlin en décembre dernier, il était jusqu’alors cor solo de l’Orchestre symphonique de Dallas), les quatre cors sonnant d’ailleurs comme s’ils étaient huit! Le deuxième mouvement (Im Tempo eines gemächlichen Ländlers. Etwas täppisch und sehr derb) met pour sa part en lumière une étincelante petite harmonie où, à l’exception de Wenzel Fuchs à la clarinette, les têtes d’affiche habituelles sont absentes mais dont la finesse d’exécution demeure: petite clarinette et flûte piccolo concluent avec cet humour grinçant dont Mahler a le secret (le deuxième mouvement de la Quatrième!) une page où les sortilèges berlinois trouvent enfin à s’exprimer. Le troisième mouvement est pour sa part fort bien conduit mais Haitink, qui nous est apparu quelque peu fatigué (n’oublions pas qu’il a passé les quatre-vingt-huit ans en mars dernier) même s’il ne s’est assis qu’à de brefs instants pendant le dernier mouvement, n’emporte pas l’orchestre dans le tourbillon sarcastique et grotesque que l’on aime y entendre. Mais il y a le quatrième et dernier mouvement, une des pages sans conteste les plus poignantes jamais composées par Mahler... Ecouté dans un silence des plus impressionnants, l’Adagio. Sehr langsam und noch zurückhaltend réhabilite pleinement la dimension légendaire du concert que l’on venait entendre ce soir. Haitink le conduit avec un sens inné de la progression, qui ne gomme pour autant jamais l’émotion mais sans qu’il soit nécessaire de pointer tel trait ou telle phrase, tant la cohérence de l’ensemble va de soi. Les cordes berlinoises font preuve d’une cohésion, d’une ampleur et, sur la fin du mouvement, d’une finesse absolument incroyables, les dernières mesures s’éteignant dans le néant attendu par chaque spectateur présent.


Même si l’ovation debout qui salua la prestation de ce soir devait peut-être être vue davantage comme un hommage à l’un de nos plus grands chefs actuels, qui revint d’ailleurs seul sur scène alors que tout l’orchestre était déjà parti, qu’à un concert historique, il n’en demeure pas moins que ce chef et cet orchestre dans cette œuvre, cela reste un grand moment.


Le site de l’Orchestre philharmonique de Berlin



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com