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Empereur malgré lui

Paris
Palais Garnier
11/15/2017 -  et 18*, 20, 23, 25, 28, 30 novembre, 3, 5, 8, 11, 14, 17, 21, 25 décembre 2017
Wolfgang Amadeus Mozart : La clemenza di Tito, K. 621
Ramón Vargas*/Michael Spyres (Tito Vespasiano), Amanda Majeski*/Aleksandra Kurzak (Vitellia), Valentina Nafornită (Servilia), Stéphanie d’Oustrac*/Marianne Crebassa (Sesto), Antoinette Dennefeld*/Angela Brower (Annio), Marko Mimica (Publio)
Chœur de l’Opéra national de Paris, Alessandro di Stefano (chef du chœur), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Dan Ettinger (direction)
Willy Decker (mise en scène), John Macfarlane (décors, costumes), Hans Toelstede (lumières)


A. Majeski, S. d’Oustrac (© Sébastien Mathé/Opéra national de Paris)


Quarante-quatrième représentation depuis 1997 : on connaît la production par cœur... mais elle ne déçoit pas. Parce que la direction d’acteurs, au plus près de la vérité des personnages, fait de la dramatiquement problématique Clémence de Titus un moment de théâtre, où les passions sont à vif : Willy Decker dévoile toute la face cachée du seria mozartien, trop souvent réduit à la succession de ses récitatifs et de ses airs. Vitellia devient une manipulatrice perverse, sans doute un rien sadique, Sextus, pris entre un amour impossible et sa fidélité au bienfaiteur, a l’âme et le corps ravagés. Le bloc de pierre d’où surgira le buste de l’empereur en gloire ne doit pas nous tromper : le geste de clémence à la fin, n’est pas apothéose de la maîtrise de soi, mais effondrement – tout au long de l’opéra, Titus ne cesse de ceindre et de déposer la couronne, emblème d’un pouvoir dérisoire… qui pourrait bien être exercé par Publius, sa bureaucratie et sa police. Willy Decker, décidément, met à mal l’équilibre apparent du seria : il n’est pas innocent que le mur concave du décor, d’un néoclassicisme austère, soit penché et fissuré...


Pour cette première série de représentations, l’Opéra a réuni une très belle distribution, impeccablement stylée : tous sont d’authentiques mozartiens. Certes Ramón Vargas savonne laborieusement les vocalises de « Se all’impero », mais il sait phraser ses autres airs et donne un beau relief au grand récitatif accompagné de la fin de l’opéra, campant une sorte d’empereur malgré lui qui rappelle son Idoménée. Amanda Majeski est le grand soprano brillant et à la tessiture étendue qu’exige l’ambitieuse et hystérique Vitellia, très à l’aise dans les grands écarts, notamment ceux du Rondò du second acte. Le Sextus de Stéphanie d’Oustrac reste tel qu’en lui-même, avec sa voix homogène et timbre chaud, qui sertit les tourments, presque la folie du personnage dans une ligne où se reflète toute sa noblesse brisée. Annius et Servilia forment un vrai couple : au mezzo profond d’Antoinette Dennefeld répond le soprano tout de chair fruitée de Valentina Nafornită, le « Tu fosti tradito » de la première n’ayant rien à envier au « S’altro che lacrime » de la seconde. Même si Publius est musicalement sacrifié, Marko Mimica y révèle un très beau grain de basse, qu’on espère entendre ailleurs.


Plutôt associé au répertoire italien, Dan Ettinger peine d’abord, au premier acte, à trouvera balance entre la théâtralité et l’expression des affects propre au bel canto, pierre d’achoppement de La Clémence, avant d’offrir un magnifique final, d’une grande puissance dramatique. Il y parvient au second acte, à travers une direction toujours très classique mais beaucoup plus construite, qui tend l’arc du drame sans sacrifier la beauté fluide de la pâte sonore. Dommage seulement que le continuo semble paresseusement anachronique.



Didier van Moere

 

 

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