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De multiples talents dans un programme varié

Beauvais
Senlis (Chapelle Saint-Frambourg )
11/04/2017 -  




Point fort du festival SenLiszt, la finale du Concours Cziffra, où s’affrontaient de jeunes musiciens de très haut niveau, fut l’occasion de découvrir de multiples talents dans un programme varié. Présidé par Isabelle Oehmichen, le jury, composé des pianistes Herbert du Plessis, Simon Ghraichy, Gérard-Marie Fallour, Gérard Bekerman, Eric Astoul, de la violoncelliste Olivia Gay et de la soprano lyrique Lina Castellanza, s’accordait pour un palmarès (presque) équitable.


La pianiste Maroussia Gentet, qui obtient le Premier Prix, fait preuve d’une maîtrise remarquable et d’une science des timbres peu commune dans le pièces contemporaines d’Unsuk Chin et de Philippe Schoeller. Elle restitue à «Shéhérazade», premier des Masques de Szymanowski, toute son atmosphère féerique, empreinte de couleur orientale sensuelle et onirique. On goûte la première Etude de Debussy, teintée d’humour, d’une grande clarté, grisante, timbrée et colorée, préfigurant le piano contemporain. Aussi à l’aise et convaincante dans le répertoire romantique, la jeune pianiste nous livre une Leggierezza de Liszt veloutée et fluide, d’une souplesse qu’aucun grain de sable ne vient gripper et dont la scintillante ligne n’oublie jamais les indications lisztiennes : dolce egualmente, delicatamente, dolcissimo... également transcendante dans les passages de haute virtuosité. Mais c’est avec le Troisième Impromptu de Chopin que Maroussia Gentet nous séduit davantage par sa grande éloquence, son sens aigu du rubato et du timing, son cantabile rêveur et son émotion constante.


Le deuxième prix est attribué au Duo Aurore (Renata Bittencourt et Diego Munhoz) C’est l’homogénéité qui domine dès les premières mesures de la flamboyante transcription pour deux pianos des Préludes de Liszt par le compositeur. Développement orchestral, dosage et équilibre parfaits, unité stylistique, le duo s’impose. La Bourrée fantasque de Chabrier, dans sa transcription pour piano à quatre mains, virevoltante et parodique, d’une grande précision, avec toute l’énergie et le caractère voulus montre deux pianistes véritablement musiciens. «Baile», extrait des Tres romances argentinos du compositeur argentin Carlos Guastavino, brillantissime, enjoué et tout aussi impeccable de synchronisation, dans la fraîcheur des rythmes et des harmonies populaires, enthousiasme jury et public.


Avec un troisième Prix, le Duo KBZ (au nom improbable...), constitué de la soprano Héloïse Koempgen-Bramy et de la pianiste Lucia Zarcone, offrait un programme lyrique, Mozart et Puccini, auquel s’ajoutaient lieder et mélodies de Liszt, Schumann, Dvorák et Enesco. Dotée d’une belle technique et de beaucoup d’expressivité, la chanteuse offre une réelle présence sur scène. Cependant, on aurait apprécié qu’elle différenciât davantage les styles. Si les airs d’opéras imposent puissance et déclamation, les lieder et mélodies demandent plus d’intimité, des nuances plus subtiles, des atmosphères plus poétiques, une émotion plus intériorisée. Pianiste lisse, ne se départant pas de son rôle impeccable d’accompagnatrice, Lucia Zarcone aurait pu s’imposer et s’impliquer de manière plus affirmée, en dépit de ses qualités pianistiques et d’un joli son.


Le Trio L (au nom tout aussi improbable...) – Lyuba Zhecheva, piano, Louison Cres-Debacq, violoncelle, et Louis-Jean Perreau, violon – se voit décerner un diplôme de lauréat de la Fondation Cziffra. Belle équipe homogène, les jeunes musiciens abordent des extraits du Trio «Dumky» de Dvorák avec tout le romantisme et la générosité requis. On remarque d’emblée les qualités de chambriste de Lyuba Zecheva, présente, à l’écoute, dosant subtilement. Le son généreux et la souplesse de Louison Cres-Debacq, la finesse lumineuse de Louis-Jean Perreau contribuent à l’équilibre du discours. Le Finale du Trio Hob.XV:25 de Haydn, brillantissime, libre et véritablement alla zingarese avec ses accélérations, ses ruptures et ses vertiges, nous séduit totalement. Très clairs, joliment timbrés, les deux mouvements du Trio de Ravel auraient peut-être pu bénéficier d’un peu plus de contrastes et de relief, peut-être même de griffe avec, notamment, un violon plus affirmé.


Un diplôme de finaliste récompense les pianistes Clément Cailler et François Moschetta.
Clément Callier aborde la Sonate Hob.XVI:20 de Haydn avec beaucoup de finesse et de sensibilité. Clarté des traits, grand chic stylistique, il rend hommage à l’intelligence du texte. Les constants arpèges que Bartók répartit aux deux mains dans son Etude opus 18 n° 2 remplissent l’espace, évoquant quelques rêves lunaires. En dépit d’un impérieux et inquiétant début avec de superbes sonorités, la Sonate après une lecture du Dante de Liszt se perd peu à peu dans un flot sonore d’où l’on a du mal à détecter la structure. Surpuissance, excès de vitesse, on est en manque de détails et de stratégie. On goûte cependant les passages lyriques, timbrés et poétiques à souhait.
François Moschetta entre dans l’austère Fantaisie et Fugue sur B.A.C.H. de Liszt avec toute la puissance dramatique nécessaire. L’œuvre progresse inexorablement vers la fugue finale, admirablement amenée et construite. Certains passages manquent cependant de respiration, on est parfois noyés dans cette flamboyante écriture lisztienne, submergés par ces torrents; beaucoup de pédale et peu de réserve pour les crescendo, ce qui conduit à une saturation monochrome. Avec le Premier Livre d’Iberia d’Albéniz, le jeune pianiste fait preuve de sensibilité et de charme. Tout au plus aurions-nous pu souhaiter davantage de liberté descriptive et poétique dans l’ensemble des pièces et notamment un «El Polo» plus typé, racé.



Christian Lorandin

 

 

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