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Les Noces font un flop

Strasbourg
Opéra national du Rhin
10/20/2017 -  et 22*, 24, 26, 28, 31 octobre (Strasbourg), 10, 12 novembre (Mulhouse) 2017
Wolfgang Amadeus Mozart : Le nozze di Figaro, K. 492
Davide Luciano (Le Comte Almaviva), Vannina Santoni (La Comtesse Almaviva), Andreas Wolf (Figaro), Lauryna Bendziūnaitė (Susanna), Catherine Trottmann (Cherubino), Marie-Ange Todorovitch (Marcellina), Arnaud Richard (Bartolo), Gilles Ragon (Don Basilio), François Almuzara (Don Curzio), Dominic Burns (Antonio), Anaïs Yvoz (Barbarina), Fan Xie, Clémence Petit (Deux jeunes filles)
Chœur de l’Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse, Patrick Davin (direction musicale)
Ludovic Lagarde (mise en scène), Antoine Vasseur (décors), Marie La Rocca (costumes), Sébastien Michaud (lumières)


(© Klara Beck)


Encore des Noces de Figaro transposées, à une période strictement contemporaine cette fois. Pourquoi donc ? Après avoir assisté à de multiples tentatives de cette sorte on n’en est jamais sorti convaincu. Rabaisser la puissance corrosive d’une comédie sociale pré-révolutionnaire à la banalité d’un fait divers de lutte de classes, comme il y en a tant d’autres aujourd’hui, donne peut-être bonne conscience, l’impression de faire du neuf avec du vieux. A chaque fois l’ouvrage continue à fonctionner avec ses rouages propres, mais juste un peu moins bien...


Donc, ici, place à des Noces déplacées dans une maison de couture, dirigée par un Almaviva tsar de la mode qui ne peut s’empêcher de harceler sexuellement son personnel féminin dès le matin. Abus de position dominante, monnaie courante dans les entreprises modernes, certes. L’affaire trouve de surcroît dans l’actualité des résonances troublantes, et ensuite ? Le jeune Cherubino, dont on se demande ce qu’il fait là exactement (un petit stagiaire de bonne famille, peut-être ?), marche déjà sur les mêmes traces que le patron et n’hésite pas à sauter (le terme est à prendre littéralement) sur tout jupon qui bouge. Mais une fois que l’on a fait le tour de ces avatars modernisés du droit de cuissage, que reste-t-il ? Une mise en scène théâtralement plutôt affûtée mais dont les péripéties laissent indifférent, prisonnière d’un dispositif décoratif qui manque de poésie (quelques parois grises ondulées en ouïes de violon, que l’on déplace à vue). Curieusement dans un tel milieu aucun enjeu ne ressort vraiment, faute de contraintes liées à de véritables barrières sociales. En définitive cette soi-disant Comtesse pourrait aussi s’envoyer en l’air avec la moitié du personnel, que personne n’y trouverait à redire, à part peut-être son ombrageux époux, simple jaloux de comédie de boulevard. Et pourquoi traîne là un Basilio travesti en femme mûre, comme une nounou chez Cavalli ? Mystère... En définitive c’est une insidieuse mais tenace sensation d’ennui qui prévaut, surtout en seconde partie. Un comble pour l’un des opéras les plus immédiatement efficaces de tout le répertoire.


En fosse Patrick Davin tient la soirée à bout de bras, en insufflant une belle énergie autant à son orchestre (Mulhouse, en bonne forme) qu’à des ensembles vocaux très enlevés. Dans l’absolu cette vivacité serait plus à sa place chez Rossini, mais elle a l’avantage de l’avancée et fait oublier un fréquent manque de lumière et d’aération, qualités mozartiennes que l’on serait aussi en droit d’attendre. Le ravissant duo «Sull’aria» marque à peine, avec ses vocalises ânonnées, mais là le chef est malheureusement tributaire des faiblesses vocales du plateau. La Comtesse de Vannina Santoni paraît bien raide et sans aura pour un tel rôle. Mieux vaut oublier son «Porgi amor» serré et incertain, mais malheureusement aussi son Dove sono» insignifiant, handicapé de surcroît par une hideuse robe à paniers revisitée, façon punkette hirsute. Bien plus curieux encore paraît l’échec de l’intéressante Lauryna Bendziūnaitė, Suzanne, fraîche et piquante tout au long de la comédie pourtant, mais dont «Deh vieni non tardar» ne fait jamais rêver, accueilli d’ailleurs par un silence de plomb qui en dit long.


Côté masculin, même échec relatif pour Andreas Wolff, Figaro qui n’a rien de plus personnel à faire valoir que ses jeans slim et son blouson de cuir. La voix est massive, puissante, un peu tronquée aux deux bouts, le comédien est naturel, mais son «Non più andrai» tombe à plat (là aussi l’accueil est glacial). Le Comte de Davide Luciano est plus intéressant, timbre discrètement rocailleux et projection autoritaire qui tombe à pic, pour un personnage sinon aristocratique (pas besoin de l’être ici) du moins qui sait s’imposer. Joli Cherubino de Catherine Trottmann, d’une crédibilité physique parfaite et dont les turbulences d’enfant gâté font mouche. N’oublions pas la Marcelline gentiment bouffe de Marie-Ange Todorovitch, et on aura fait à peu près le tour de cette soirée très oubliable.



Laurent Barthel

 

 

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