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Britten sur fond de crise

Lyon
Opéra
10/09/2017 -  et 11, 13*, 15, 17, 19, 21 octobre 2017
Benjamin Britten : War Requiem, opus 66
Ekaterina Scherbachenko (soprano), Paul Groves (ténor), Lauri Vasar (baryton)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Geneviève Ellis (chef des chœurs), Maîtrise de l’Opéra de Lyon, Karine Locatelli (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Daniele Rustioni (direction musicale)
Yoshi Oida (mise en scène), Tom Schenk (décors), Thibault Vancraenenbroeck (costumes), Lutz Deppe (lumières), Maxine Braham (chorégraphie)


(© Bertrand Stofleth)

L’Opéra national de Lyon, qui a été désigné «Meilleure maison d’opéra» de l’année 2017 par la presse britannique et le magazine Opera en mai dernier, vient de se voir attribuer le prix «Maison d’opéra de l’année» par le mensuel lyrique allemand Opernwelt, décerné par un jury international composé de cinquante critiques. On pouvait donc s’attendre en arrivant à Lyon pour écouter et voir une version théâtralisée par le metteur en scène Yoshi Oida du War Requiem de Britten à plus de sérénité que ne le procurait le lever de rideau.


En effet, un préavis de grève a été déposé par la CGT pour la durée de ce spectacle, dont les trois premières représentations ont pu avoir lieu, rien n’étant certain pour les quatre suivantes. Avant la représentation une annonce a été faite par un membre syndiqué du personnel exposant les difficultés des conditions de travail de certaines catégories de personnel sous pression et donnant des chiffres édifiants sur leurs rémunérations horaires. Le tout sur un fond de scandale sur les notes de frais du directeur de l’établissement largement entretenu par la presse locale. Puis une représentante de l’administration – qui, très curieusement, ne savait pas prononcer correctement le titre de l’œuvre que l’on allait entendre – a tenté de pondérer cette annonce, sans grand pouvoir de conviction, par des propos qui se voulaient rassurants sur l’avenir des négociations en cours.


Pour cette représentation scénique, dans le cadre du Centenaire de la Paix, du War Requiem, œuvre créée en 1962 et pendant spirituel de l’opéra Le Roi Priam de Michael Tippett, toutes deux commandes de la cérémonie d’inauguration de la nouvelle Cathédrale de Coventry remplaçant celle détruite en 1940 par les bombardements allemands, on avait réuni une belle distribution, un peu dans l’esprit de celle prévue pour la création, qui comportait des représentants des forces belligérantes. Le ténor canadien Paul Groves, le baryton estonien Lauri Vasar et le soprano russe Ekaterina Scherbachenko. Tous trois, la dernière avec cependant moins de projection que les deux hommes, ont rendu justice avec énormément de conviction au génial mélange de liturgie des morts et de poèmes de Wilfred Owen, mort à la Grande Guerre. Préparés par Geneviève Ellis et Karine Locatelli, le Chœur et la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, qui tiennent le rôle principal dans cette œuvre colossale, ont été admirables et l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, partagé entre la fosse pour accompagner la liturgie latine et un effectif de chambre sur la scène pour accompagner les poèmes en langue anglaise, a été admirable sous la direction énergique de Daniele Rustioni, dont c’était le premier acte de son directorat musical de l’établissement.


La réalisation scénique, confiée au metteur en scène Yoshi Oida, qui n’est pas chrétien et a connu enfant les horreurs des bombardements américains sur son Japon natal, est en tous points admirable tout comme ses Curlew River réalisé pour Aix-en-Provence ainsi que Mort à Venise et Peter Grimes sur la même scène. Avec une scénographie à la fois simple et riche en détails signifiants de Tom Schenk, il met en scène des scènes de guerre, de tranchées, puis, sur l’Offertorium, une très théâtrale pantomime avec des marionnettes mimant le sacrifice d’Abraham. Du symbolisme aussi avec le déploiement sur un cercueil des drapeaux de toutes les nations impliquées, qui ensuite allaient envelopper des enfants non nés du massacre général. Images de guerre aussi, avec la projection, sur le Libera me, de films sur les guerres.


Certaines intentions déclarées, comme l’utilisation des enfants (notes du metteur en scène), ne passent pas du tout, les enfants restant cantonnés sur un côté de la scène invisible depuis le milieu du parterre. Mais aussi réussie cette visualisation soit-elle, avec des chanteurs très impliqués dans le jeu scénique, on a des doutes sur l’utilité de superposer des images sur ce que Britten a si formidablement élaboré pour que l’horreur et l’absurdité des guerres soient visibles au travers de sa musique si génialement spatialisée et des poèmes d’Owen. Rien n’est moins théâtral que la poésie qui contient, si elle est forte, un si fort pouvoir évocateur.



Olivier Brunel

 

 

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