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Des Noces de rêve Geneva Opéra des Nations 09/13/2017 - et 17, 21*, 25 septembre 2017 Wolfgang Amadeus Mozart : Le nozze di Figaro, K. 492 Ildebrando D’Arcangelo (Il Conte d’Almaviva), Nicole Cabell (La Contessa d’Almaviva), Regula Mühlemann (Susanna), Guido Loconsolo (Figaro), Avery Amereau (Cherubino), Monica Bacelli (Marcellina), Bruce Rankin (Don Basilio), Fabrice Farina (Don Curzio), Bálint Szabó (Bartolo), Melody Louledjian*/Seraina Perrenoud (Barbarina), Romaric Braun (Antonio), Chloé Chavanon, Marianne Dellacasagrande (Due contadine)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (prépration), Orchestre de la Suisse Romande, Marko Letonja (direction musicale)
Tobias Richter (mise en scène), Max Hoehn (assistant à la mise en scène), Ralph Koltaï (décors), Sue Blane (costumes), Linus Fellbom (lumières), Denni Sayers (chorégraphie)
(© GTG / Magali Dougados)
Les Noces de Figaro sont le volet central de La Trilogie de Figaro présentée actuellement à Genève. Parce qu’elles se situent entre Le Barbier de Séville et Figaro gets a Divorce. Mais aussi parce qu’elles constituent la réussite la plus éclatante de ce triptyque de haute volée. Et sûrement l’un des plus beaux spectacles lyriques vus à Genève ces dernières années. Tout concourt à faire de ces Noces une soirée de rêve.
La distribution vocale tout d’abord, proche de l’idéal. Ildebrando D’Arcangelo incarne un comte à la belle prestance et à l’énergie débordante, même si l’acteur en fait parfois un peu trop. La voix, particulièrement sonore, exprime à merveille l’autorité mais aussi la brutalité du personnage. La comtesse de Nicole Cabell possède une voix de velours aux aigus lumineux, capable de « pianissimi » époustouflants et admirablement conduite sur toute la tessiture. Ses deux grands airs (« Porgi amor » et « Dove sono ») comptent parmi les moments forts du spectacle. Guido Loconsolo est un Figaro très attachant et à la forte présence scénique, dont le jeu sobre mais néanmoins convaincant contraste idéalement avec celui du comte. Susanne pétillante et vive, toujours souriante, espiègle à souhait, Regula Mühlemann possède un timbre lumineux et enjoué, parfait pour le rôle. Voilà une jeune artiste suisse qui devrait faire une belle carrière. Monica Bacelli est une Marcellina de luxe, expressive et truculente, de surcroît portée sur la bouteille (de champagne !). Son grand air (« Il capro e la capretta ») lui vaut les applaudissements les plus nourris de la soirée. Cherubino toujours en émoi, Avery Amereau possède une voix claire et lumineuse qui traduit à merveille les frissons adolescents du personnage. On retient également la Barbarina pleine de fraîcheur et d’entrain de Melody Louledjian.
La direction musicale se révèle, elle aussi, enthousiasmante. A la tête d’un Orchestre de la Suisse Romande concentré et inspiré, Marko Letonja offre une lecture nuancée, sensible et raffinée, avec des tempi plutôt étirés, qui confèrent une touche de mélancolie et de nostalgie au spectacle, comme si le temps arrêtait sa marche l’espace de quelques instants. Mais le chef ne néglige pas pour autant la tension dramatique, avec notamment des finales ébouriffants. Seul bémol : on note çà et là quelques décalages avec les chanteurs.
Tobias Richter n’avait encore jamais signé de mise en scène depuis sa nomination à la tête du Grand Théâtre de Genève. Ses Noces de Figaro sont un coup de maître. Le contexte socio-politique est ici clairement relégué au second plan pour mieux mettre en valeur la comédie de mœurs et les relations entre les personnages. La production est claire, fluide et parfaitement lisible, avec une direction d’acteurs particulièrement soignée et un sens du rythme parfaitement maîtrisé. La partie scénique du spectacle est entièrement au diapason de la lecture musicale, avec de nombreuses touches de nostalgie et de tristesse, mais aussi de troubles et de frémissements, comme en clair-obscur. Indéniablement, de la très belle ouvrage.
Claudio Poloni
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