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Premier volet de La Trilogie de Figaro Geneva Opéra des Nations 09/12/2017 - et 16, 20, 24 septembre 2017 Gioachino Rossini : Il barbiere di Siviglia Bogdan Mihai (Le Comte Almaviva), Bruno Taddia (Figaro), Lena Belkina (Rosina), Bruno de Simone (Bartolo), Marco Spotti (Basilio), Mary Feminear (Berta), Rodrigo Garcia (Fiorello), Peter Baekeun Cho (Ambrogio), Aleksandar Chaveev (Un ufficiale), Furio Longhi (Un notaio)
Chœur du Grand Théâtre, Alan Woodbridge (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Nott (direction musicale)
Sam Brown (mise en scène), Julien Chavaz (assistant à la mise en scène), Ralph Koltaï (décors), Sue Blane (costumes), Linus Fellbom (lumières), Morgann Runacre-Temple (chorégraphie)
(© GTG/Magali Dougados)
Le Grand Théâtre de Genève a inauguré la saison lyrique 2017-2018 avec non pas un, mais trois opéras, du jamais vu : les classiques du répertoire que sont Le Barbier de Séville et Les Noces de Figaro ainsi que Figaro gets a Divorce d’Elena Langer, créé en février 2016. Les trois ouvrages ont été regroupés pour former un cycle, La Trilogie de Figaro, puisqu’ils mettent tous en scène le célèbre personnage créé par Beaumarchais. Les spectacles ont été étrennés par le Welsh National Opera à Cardiff l’année dernière, en anglais. A Genève, ils sont présentés en version originale. Les trois opéras sont enchaînés trois soirs de suite, à quatre reprises, en seulement quinze jours, ce qui constitue un énorme défi pour toutes les équipes du Grand Théâtre, qui n’est pas une institution de répertoire habituée à la rotation des représentations.
Pour Le Barbier de Séville, premier volet de cette Trilogie de Figaro, c’est une surprise de taille qui attend les spectateurs : la présence dans la fosse de Jonathan Nott, directeur musical de l’Orchestre de la Suisse Romande. Surprise, car bien que l’OSR soit depuis longtemps la formation attitrée du Grand Théâtre, les relations ont souvent été tendues entre les deux grandes institutions musicales genevoises, au point que les responsables musicaux successifs de l’OSR ont très rarement pris le chemin de l’Opéra. L’arrivée de Jonathan Nott semble avoir pacifié les esprits, et les prochaines saisons lyriques verront à nouveau le maestro dans la fosse. Une excellente nouvelle, car sa lecture du chef-d’œuvre de Rossini est une merveille. A l’image de la célèbre Ouverture, que le chef rend tout en finesses et en nuances, avec un luxe inouï de détails, ciselant la partition en orfèvre. Par la suite, même si les tempi choisis peuvent parfois sembler un peu trop timides, on n’en demeure pas moins ébloui par le raffinement et la précision de l’exécution musicale ; et pour la première fois peut-être dans la salle de l’Opéra des Nations, l’orchestre ne couvre pas les chanteurs.
Sans être exceptionnelle, la distribution vocale n’en est pas moins de qualité et bien soudée, constituée de bons chanteurs-acteurs. Elle est emmenée par Bruno de Simone en Bartolo, peut-être le seul interprète à maîtriser parfaitement le style rossinien. Malgré des vocalises savonnées dans son célèbre air d’entrée («Sono il factotum»), Bruno Taddia incarne un Figaro particulièrement truculent et expressif, omniprésent et véritable moteur de l’action. Bogdan Mihai campe un comte Almaviva noble et racé, même si parfois sur la réserve, avec des aigus sûrs et une voix agile sur toute la tessiture. Lena Belkina est une Rosina davantage femme coquette et élégante, sûre de son pouvoir d’attraction, que jeune fille découvrant la vie, parfaitement à l’aise dans les vocalises de «Una voce poco fa», quand bien même le grain de la voix est plutôt banal. Marco Spotti en Basilio et Mary Feminear en Berta complètent judicieusement la distribution avec deux incarnations impayables.
Dans le décor simple et sobre conçu par le vétéran Ralph Koltaï (94 ans) et constitué de deux grands panneaux sombres translucides pivotant sur eux-mêmes pour figurer alternativement l’intérieur et l’extérieur de la demeure de Bartolo, le metteur en scène Sam Brown a conçu un spectacle drôle et enlevé, sans aucun temps mort, un spectacle inspiré du burlesque, à l’humour très british, avec une profusion de gags qui ne tombent jamais dans la vulgarité. Par rapport à Cardiff, certaines scènes ont été adaptées, par exemple l’arrivée incognito chez Bartolo d’Almaviva déguisé ici en garde suisse du Vatican. La suite de La Trilogie de Figaro s’annonce sous les meilleurs auspices.
Claudio Poloni
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