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Le Bruckner narcissique de Daniel Barenboim Paris Philharmonie 09/09/2017 - et 28 janvier (New York), 31 août (Berlin) 2017 Anton Bruckner : Symphonie n° 8 Staatskapelle Berlin, Daniel Barenboim (direction)
D. Barenboim (© Monika Rittershaus)
Fin de l’intégrale Bruckner par Daniel Barenboim et son orchestre berlinois. Ne restaient plus que la Huitième et la Neuvième, couplée, comme les autres, avec un Concerto de Mozart. La Huitième, pour cet avant-dernier concert, se suffit à elle-même.
Le compositeur autrichien est un de ceux que le chef fréquente depuis très longtemps : il en a gravé trois intégrales. On connaît ses qualités : une sonorité opulente, un goût pour la grandeur, une volonté de s’inscrire dans une tradition, qu’illustra jadis un Furtwängler. Ce n’est pas l’homme des rénovations, plutôt celui des restaurations. Mais n’est pas Furtwängler qui veut, ni lui ni un autre. Cette Huitième vient de le prouver.
On avait beaucoup aimé la Septième (voir ici), où il trouvait l’équilibre entre la densité et la fluidité du son, entre l’abandon au plaisir de l’instant et la conduite unitaire du discours, aidé par la magnifique Staatskapelle – la comparaison avec le Philharmonique, entendu une semaine plus tôt, ne lui fait aucune ombre. Cet équilibre s’est rompu, au profit d’un hédonisme narcissique qui finit par lasser. Le lyrisme s’épuise parfois en des rubatos complaisants, en particulier dans l’Adagio, on ne sait plus très bien où le chef veut nous conduire.
Avouons que ces instants de pure beauté sonore, ces crescendos, ces codas ont quelque chose de grisant. Mais on est saturé, aussi – comme si c’était trop beau pour être vrai. L’œuvre, pourtant si puissamment construite, où l’arc est si tendu, semble se diluer – le Scherzo, qui n’a plus guère à voir avec le Deutscher Michel, le paysan autrichien, perd sa dimension populaire et ne crée plus de contraste. Il y a finalement quelque chose d’anachronique dans cette approche. Ce qui, chez les grands anciens, relevait de l’inspiration, tient ici de la pose. Mais c’est plastiquement superbe et l’on comprend que beaucoup succombent. Un Bruckner pour nostalgiques.
Didier van Moere
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