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Cincinnati sur Seine Paris Boulogne-Billancourt (La Seine musicale) 09/08/2017 - Leonard Bernstein : On the Waterfront: Suite
Aaron Copland : Lincoln Portrait
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 5, opus 64 Lambert Wilson (récitant)
Cincinnati Symphony Orchestra, Louis Langrée (direction)
L. Langrée (© Jennifer Taylor)
On se souvient de Pierre Monteux à San Francisco, puis à Boston, où officia plus tard Charles Münch, Paul Paray à Detroit. Aujourd’hui Ludovic Morlot est à Seattle, Louis Langrée à Cincinnati : la tradition des chefs français à la tête de formations américaines se perpétue. Bonne pioche pour l’Ohio : Cincinnati a recruté l’un des meilleurs chefs, que vient d’accueillir, au terme de leur tournée européenne, une Seine musicale dont on a pu apprécier l’acoustique, plus sèche et plus analytique que celle de la Philharmonie.
S’il ne fait pas partie des célèbres « big five », l’orchestre se signale par des sonorités très franches, qui ont conservé une certaine fraîcheur, une certaine verdeur même, que souligne l’acoustique, et par une très belle homogénéité des pupitres. La suite de Sur les quais, tirée de la musique composée par Leonard Bernstein pour le film d’Elia Kazan, en témoigne d’emblée, à travers l’alternance de décharges d’énergie brute et de pages plus lyriques, dont la direction exalte la dimension narrative et évocatrice, faisant de la partition une sorte de poème symphonique. Créé par l’orchestre, le Lincoln Portrait d’Aaron Copland, en revanche, suscite un certain scepticisme, malgré les accents de prophète de Lambert Wilson : l’œuvre, destinée en 1942 à galvaniser les Américains après leur entrée en guerre, avec des citations de lettres ou de discours du président abolitionniste, se situe loin derrière les chefs-d’œuvre de Copland.
La Cinquième Symphonie de Tchaïkovski, elle, hisse orchestre et chef au sommet. Plutôt que de chasser sur les terres russes, en exacerbant l’expression névrotique des sentiments, Louis Langrée l’épure et en souligne l’architecture, particulièrement attentif à la balance entre tensions et détentes. Devenue presque forme pure, la partition, loin de s’appauvrir, s’éclaire d’un jour nouveau et, loin de l’émousser, met à nu la douleur dès l’Adagio-Allegro con anima initial. L’Andante garde son parfum de nostalgie. D’une fluidité lumineuse, la Valse, creusée dans le moindre détail, a des souplesses chorégraphiques. Pierre d’achoppement de beaucoup d’interprétations, le final, très construit alors qu’il reste formellement un peu éclaté, évite tout pompiérisme, notamment dans une coda grandiose. Lecture à la fois très française et très moderne, parfaitement adaptée à la sonorité d’un orchestre galvanisé, qui n’est pas sans rappeler, par la conjugaison du souffle et de la clarté, celle d’un Pierre Monteux autrefois et montre l’universalité de la musique du compositeur russe.
En bis, une virevoltante et virtuose Ouverture de Candide, point d’orgue d’un concert dont le programme aurait pu être conçu par Leonard Bernstein.
Didier van Moere
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