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Saint-Céré

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Entre liberté et amertume

Saint-Céré
Prudhomat (Château de Castelnau-Bretenoux)
08/01/2017 -  et 6, 7 mai (Clermont-Ferrand), 5, 8, 11*, 14 août (Prudhomat), 25 novembre (Rueil-Malmaison), 3 décembre (Miramas) 2017, 26 (Gagny), 28 janvier (Muret), 3 (Juvisy-sur-Orge), 10 (Maisons-Alfort), 15 (Le Chesnay) février, 14, 16, 18 décembre (Massy) 2018, 23 mars (Ettelbruck), 13 avril (Eaubonne) 2019, 13 mai 2020 (Mérignac)
Wolfgang Amadeus Mozart : Le nozze di Figaro, K. 492
Anas Séguin (Il Conte di Almaviva), Charlotte Despaux (La Contessa di Almaviva), Jean-Gabriel Saint-Martin (Figaro), Judith Fa (Susanna), Eléonore Pancrazi (Cherubino), Matthieu Lécroart (Bartolo), Hermine Huguenel (Marcellina), Clémence Garcia (Barbarina), Alfred Bironien (Don Basilio, Don Curzio), Yassine Benameur (Antonio)
Orchestre Opéra éclaté, Joël Suhubiette (direction musicale)
Eric Perez (mise en scène), Yassine Benameur (assistant à la mise en scène), David Belugou (costumes), Frank Aracil (scénographie), Joël Fabing (lumières)


J.-G. Saint-Martin, J. Fa, A. Séguin, C. Despaux (© Nelly Blaya)


Avec en tête d’affiche Le Barbier de Séville et une nouvelle production des Noces de Figaro, la trente-septième édition du festival de Saint-Céré, du 26 juillet au 14 août, donne non seulement à voir et à entendre les deux plus célèbres ouvrages inspirés par la trilogie de Beaumarchais mais choisit comme «maître mot» la liberté: «la liberté de Suzanne des Noces contre le droit de cuissage des hommes, la liberté de Rosine du Barbier contre un tuteur abusif». Au-delà, comme le veut une programmation traditionnellement éclectique, désormais totalement imbriquée avec celle du festival de théâtre de Figeac, les directeurs artistiques, Oliver Desbordes et Michel Fau, mettent en exergue «la liberté de s’aimer des Roméo et Juliette modernes de West Side Story, la liberté de naviguer entre toutes les musiques».


Après La Flûte enchantée en 2009 et Don Giovanni en 2013, Eric Perez en vient à l’opera buffa de Mozart, avec les mêmes (nombreuses) qualités et les (rares) faiblesses de ces deux précédentes productions. Les principaux atouts de son travail résident dans une belle caractérisation des rôles – tels un Bartolo à la perversité inquiétante ou un Basilio vipérin et agaçant à souhait – et une direction d’acteurs fine et alerte. La scénographie allusive et sobre de Frank Aracil (praticables, lit, fauteuils, malles), les costumes classiquement XVIIIe de David Belugou et les lumières de Joël Fabing ne se contentent pas de jouer les faire-valoir mais leur symbolique vient à l’appui de la conception du metteur en scène, pour lequel le radieux libertinage du Siècle des Lumières s’apprête à laisser la place au conservatisme moral étriqué et hypocrite du XIXe: les cloisons occupent progressivement le plateau, les vêtements de la plupart des personnages se corsètent dans des teintes noires et le dernier acte, certes nocturne, se déroule dans une quasi-obscurité, y compris le lieto final, où seuls Bartolo et Marcelline conservent un regard amusé sur les autres protagonistes, alignés et moroses face au public, la Comtesse donnant la main à Chérubin et non pas au Comte, lequel se tient quant à lui aux côtés de Barberine. La «folle journée» tourne ainsi à l’amertume, sinon au drame: aux deux premiers actes turbulents et trépidants, où chacun semble livré à des obsessions licencieuses qui se déploient avec une réjouissante crudité, succèdent ainsi les deux derniers actes, plus posés, plus graves.


Bref, comme toujours à Saint-Céré, on se souvient que l’opéra, c’est aussi du théâtre, ce que même certaines grandes maisons ont une fâcheuse tendance à oublier. L’impression est sans doute accentuée par la substitution aux récitatifs, comme en 2005 dans la mise en scène d’Olivier Desbordes, d’extraits de la pièce originale de Beaumarchais: dans son écriture ciselée au millimètre, le texte claque et fuse avec une verve que plus de deux siècles n’ont en rien émoussée, même si chacun ne possède pas la même aisance dans la diction et l’expression. La partition est en revanche intégralement respectée (et chantée en italien), sous réserve des coupures d’usage au dernier acte (airs de Marcelline et Basile). Seul petit bémol, les contraintes du nombre (dix chanteurs en tout et pour tout) ne permettent pas de faire illusion dans les quelques moments où le livret exige la présence d’effectifs plus fournis.


Comme pour La Flûte enchantée et Don Giovanni, le festival a misé sur une distribution d’une grande jeunesse et, de nouveau, le pari est gagnant: pas de maillon faible dans cette troupe où pas une tête ne dépasse, sinon peut-être Jean-Gabriel Saint-Martin, Figaro aussi assuré que volubile, et Eléonore Pancrazi, Chérubin de fort tempérament. Mais que reprocher à la Suzanne fraîche et piquante de Judith Fa, à la Comtesse tour à tour mutine et mélancolique de Charlotte Despaux et au Comte ombrageux et autoritaire d’Anas Séguin? Et quels comprimari de luxe que Matthieu Lécroart en Bartolo, Hermine Huguenel en Marcelline et Alfred Bironien, impayable en Basile! La performance mérite d’autant plus d’être saluée qu’en ce 11 août presque automnal, il ne fait guère plus de 10° dans la cour du château de Castelnau-Bretenoux.


La déception vient de l’orchestre, certes préférable à la réduction pour quintette avec piano choisie en 2005, mais encore plus chétif qu’à l’accoutumée – onze cordes, cinq bois et deux cors (donc ni trompettes ni timbales). On voudra bien attribuer aux conditions climatiques les difficultés récurrentes des cordes et des cors (tandis que le basson, par exemple, ne semble nullement importuné), mais comme dans La Flûte enchantée voici huit ans, Joël Suhubiette semble vouloir imprimer de manière un peu forcée les options stylistiques des interprétations «historiquement informées», au prix d’une direction trop carrée, donnant parfois même une impression de sur-place et de lenteur.



Simon Corley

 

 

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