About us / Contact

The Classical Music Network

Saint-Riquier

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Journée d’un festivalier

Saint-Riquier
Abbatiale
07/08/2017 -  
Michel-Richard de Lalande: Symphonies pour les Soupers du Roi : Cinquième Suite (Grande Pièce royale) – Venite exultemus – Dominus regnavit – De profundis
Chantal Santon-Jeffery (dessus), Reinoud Van Mechelen (haute-contre), François Joron (taille), Lisandro Abadie (basse-taille)
Pages et Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, Collegium Marianum, Olivier Schneebeli (direction)





Du 4 au 9 juillet, le Festival de l’Abbaye de Saint-Riquier, le quatrième sous la direction artistique d’Hervé Niquet, rythme la vie de cette charmante petite cité. Les environs et le programme offrent de quoi remplir la journée du festivalier en quête de beau et de savoir. Il parcourt tout d’abord les deux intéressantes expositions produites par le Centre culturel de rencontre, hébergé dans l’abbaye. La première confronte les peintures d’Alfred Manessier (1911-1993) et les photographies d’Han Sungpil (né en 1973), tous deux inspirés par la Baie de Somme, splendide sanctuaire naturel à la lumière continuellement changeante. Dans la seconde, les photographies de Michel Monteux, complétées par des installations numériques de Nathalie Plet et de Jacques Perconte, retrace le parcours du lin, de sa production dans la région jusqu’à son traitement en Chine.


Le festivalier se rend ensuite au spectacle se déroulant chaque jour au Théâtre Les Capétiens, à 17 heures, et à 15 heures le vendredi, le samedi et le dimanche. Polichinelle invisible chez le Roi de la Chine fait revivre le théâtre de marionnettes en vogue aux Foires Saint-Germain et Saint-Laurent au dix-huitième siècle, et rappelle, en même temps, l’attrait que l’Empire du Milieu exerçait, à cette époque. Contrairement à l’idée reçue, ce genre se destinait aux adultes, qui prisaient ces spectacles souvent grivois, voire scatologiques. Celui produit pour le festival est adapté d’une pièce de Le Sage et emprunte à Favart (Les Chinois) et à Racot de Grandval (Le Pot de chambre cassé).


La mise en scène décalée et irrévérencieuse du marionnettiste Jean-Philippe Desrousseaux implique un chanteur grandiloquent, Arnaud Marzorati, et trois musiciens puisant dans des pages de Lully, Rameau et Corrette – Mélanie Flahaut à la flûte et au basson, Etienne Mangot à la viole et Etienne Galletier au luth. Il convient de prendre au seconde degré cette pièce loufoque qui, selon Marzorati, «tend un miroir déformant à l’Occident pour révéler des travers supposément propres à l’Orient». Transporté en Chine par le diable, Polichinelle, qui a le pouvoir de devenir invisible dans un pot de chambre, découvre une princesse éplorée. Dévoilons la savoureuse conclusion: après une partie de jambes en l’air avec des prétendants, elle finira par retrouver son amant perdu, illustre musicien portant les traits d’Hervé Niquet.


Avant de se restaurer, le festivalier assiste à un concert de jazz, à 18 heures 30, dans la Grange de l’abbaye. Malgré la température élevée à l’extérieur, il ne fait étonnement pas chaud dans cette construction rustique à l’acoustique parfaite. Cette année, le directeur artistique a invité des ensembles belges, qui se produisent dans un club bruxellois à proximité de chez lui. Au tour, ce samedi, d’un trio épatant, formé par Sam Vloemans, qui joue de la trompette, du bugle et des percussions, du bassiste Thomas Fiorini et de Mike Roelofs, subtil et sensible; le pianiste occupa intensément la scène la veille.


Le concert de 21 heures constitue le point d’orgue de la journée du festivalier. L’abbatiale sonne ce samedi soir comme dans la chapelle du Château de Versailles, inaugurée en 1710. Michel-Richard de Lalande, successeur de Lully, composa pour les offices qui s’y déroulaient des motets pour un effectif non négligeable, reconstitué ici.


Dirigés par Olivier Schneebeli, le Collegium Marianum, les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) interprètent trois motets, Venite exultemus, Dominus regnavit et De profundis. Les solistes forment un quatuor bien agencé. Le plus mémorable demeure le charismatique Reinoud Van Mechelen, mais Chantal Santon-Jeffery, à la voix ample et caressante, François Joron, d’une grande droiture, et le noble Lisandro Abadie ne manquent pas de convaincre par leur justesse expressive et leur tenue vocale. Ces motets procurent simultanément une impression de faste et un sentiment de plénitude, dus à la parfaite synchronisation des pupitres.


L’exécution témoigne du niveau de préparation des choristes, dont les voix s’enlacent avec précision et attaquent à l’unisson avec netteté. Le chef assure la cohésion de l’ensemble, tout en clarifiant la texture harmonique et en équilibrant les forces en présence. Les chanteurs affichent autant de souplesse et d’opulence que l’orchestre, qui dévoile ses timbres raffinés et son jeu discipliné dans la Cinquième Suite des Symphonies pour les Soupers du Roi en début du concert. Les joueurs de hautbois et de flûte se lèvent régulièrement pour mieux faire entendre leur sonorité délectable. S’alliant harmonieusement avec les solistes, ils font valoir des vertus d’équilibre et d’expression.


Hervé Niquet distribue un bouquet de fleurs du jardin aux solistes et une plante d’une taille démesurée à Olivier Schneebeli, qui semble un peu gêné par ce présent, avant que les lumières baissent d’intensité pour les dernières psalmodies des chantres, accompagnés à l’orgue par François Saint-Yves. La journée riche et épuisante du festivalier se termine dans la sérénité.


Le site du Centre de musique baroque de Versailles



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com