Back
Mutations Strasbourg Opéra national du Rhin 05/03/2017 - Johannes Brahms : Zigeunerlieder, opus 103
Richard Wagner : Wesendonck-Lieder
Alban Berg : Lieder, opus 2
Richard Strauss : 7 Lieder Karita Mattila (soprano), Ville Matvejeff (piano)
K. Mattila
Karita Mattila connaît l’Opéra du Rhin pour y avoir débuté toute jeune, dans un Così fan tutte resté dans les mémoires grâce à cette grande et blonde Fiordiligi de fort tempérament, que l’on découvrait alors avec des yeux et des oreilles émerveillés. Depuis cette époque lointaine, les visites de la soprano scandinave se sont évidemment espacées, mais un lien assez fort avec le public strasbourgeois est resté durable.
A un tournant inévitable de sa carrière (elle aborde à présent avec succès des rôles de composition, telle la Marguillière dans Jenůfa de Janácek), et avec une voix qui commence à manquer de stabilité, Karita Mattila aurait dû se méfier des Zigeunerlieder de Brahms, dont les longues phrases inconfortablement écrites surexposent des graves caverneux et des aigus difficiles à stabiliser, a fortiori à froid, en début de soirée. La soprano finlandaise a beau tenter de caractériser joliment les ambiances, en abusant si besoin d’une certaine langueur amoureuse un peu convenue, ces courtes pages suscitent vite une impression déprimante. Correction rapide ensuite avec les Wesendonck-Lieder, où le potentiel dramatique de la voix trouve davantage d’espace pour se déployer. L’émission devient plus homogène et les climats plus naturels, même si là encore un certain manque d’aisance reste patent. Soutien en permanence impeccable assuré par Ville Matvejeff, compatriote au jeu très égal et attentif, même si on on aurait pu s’attendre à un rapport plus fusionnel entre ces deux partenaires.
Métamorphose totale en seconde partie, avec des Lieder Op. 2 de Berg d’un expressionnisme bien calibré, où même les fêlures du timbre peuvent être exploitées comme des moyens expressifs. Mattila paraît s’orienter maintenant vers une seconde carrière, en jouant plutôt sur ce type de registre. A l’instar d’Anja Silja, elle possède la puissance de feu nécessaire, doublée d’une endurance physique gage de longévité, alors, effectivement, pourquoi pas... Et puis, réservés pour la fin de soirée, quand la voix est enfin chauffée, des Richard Strauss dont les élans n’ont rien perdu de leur vigueur. Wiegenlied ou Cäcilie, rodés techniquement jusqu’à la plus minime inflexion, sont toujours compétitifs.
Un seul bis : Eine kleine Sehnsucht de Friedrich Hollaender. Une chanson de cabaret à la Kurt Weill, occasion bien exploitée de s’amuser à jouer les Ute Lemper, en moins raide, voire d’adresser des œillades appuyées au public avant de prendre congé, un peu trop rapidement à notre goût. Un autre aperçu de zones de répertoire nouvelles, où Mattila devrait pouvoir nous ravir encore pendant de longues années.
Laurent Barthel
|