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Comme attendu Liège Opéra royal de Wallonie 06/16/2017 - et 20, 22, 25*, 27, 29 juin 2017 Giuseppe Verdi: Otello José Cura (Otello), Cinzia Forte (Desdemona), Pierre-Yves Pruvot (Iago), Giulio Pelligra (Cassio), Alexise Yerna (Emilia), Roger Joakim (Lodovico), Papuna Tchuradze (Roderigo), Patrick Delcour Montano), Marc Tissons (Un Araldo)
Chœurs et Maîtrise de l’Opéra royal de Wallonie, Pierre Iodice (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Paolo Arrivabeni (direction)
Stefano Mazzonis di Pralafera (mise en scène), Carlo Sala (décors), Fernand Ruiz (costumes), Franco Marri (lumières)
(© Lorraine Wauters/Opéra royal de Wallonie)
Pour terminer sa saison, l’Opéra royal de Wallonie reprend l’Otello (1887) monté sous le chapiteau en 2011. Malgré ses obligations de directeur, Stefano Mazzonis di Pralafera met en scène des opéras chaque année dans son théâtre. Après Nabucco et Jérusalem, le maître des lieux continue d’imposer sa conception passéiste du spectacle lyrique.
Dans l’avant-dernier opéra de Verdi, le poison de la jalousie et de la haine distillé par Iago agit sournoisement sur Otello. La tension doit donc s’accroître inexorablement mais la platitude de la direction d’acteurs, peu soucieuse de finesse et de profondeur psychologique, conduit trop souvent à des baisses d’intensité, lorsque celle-ci parvient à monter. Cette mise en scène s’en tenant à l’essentiel manque donc de souffle. Aucune idée forte ne la distingue, à l’exception, et encore, du coup de poignard porté à la toute fin sur Iago. Le traître s’écroule, comme Otello, sur le lit de Desdémone, dans une symétrie bien pensée.
Comme le plus souvent sur cette scène, le décor, assez monumental, arbore beaucoup de richesse pour plaire à une partie du public qui envisage l’opéra comme tel. Le sens du mot dépouillement semble décidément inconnu en ce lieu, mais les voiles suspendus au dernier acte produisent une certaine légèreté. La présence, incongrue, d’un aquarium, dans lequel baignent nonchalamment des poissons rouges, et celle d’une structure en métal provoquent un anachronisme, voulu probablement pour conférer à cette scénographie un aspect un tant soit peu moderne, ce qui n’est pas tout à fait probant. Les effets visuels exercent, en outre, un pouvoir de suggestion ténu : la pluie qui s’abat au début sur le port de Chypre, sous un ciel zébré d’éclairs, ressemble davantage à un crachin breton qu’à une puissante bourrasque. Quant aux somptueux costumes de Fernand Ruiz, ils paraissent d’un luxe ostentatoire. Nous sommes bien à Liège.
La distribution se révèle performante mais elle repose trop sur les épaules d’un homme. Engagé corps et âme, capable d’affronter vaillamment ce rôle craint par tous les ténors, José Cura compose un Othello d’envergure et d’une grande force de conviction. Le chant n’atteint pas un haut degré de raffinement, mais le timbre affiche une belle consistance, tandis que la voix, très vigoureuse, se projette puissamment. Cinzia Forte livre en Desdémone une prestation digne, mais la voix manque de chair et les ressources de la chanteuse demeurent trop modestes pour ce rôle. La soprano se montre aussi trop inégale : éteinte durant la première partie, elle s’épanouit un peu mieux par la suite, notamment dans la romance du saule, peaufinée et nuancée, sans totalement émouvoir. Pierre-Yves Pruvot satisfait les attentes en Iago : présence forte, timbre mordant, chant élaboré. Restituer toutes les facettes du rôle en combinant perfection du chant et force de l’incarnation reste toutefois l’apanage des barytons d’exception. Pour les comprimarii, les autres chanteurs se hissent à la hauteur, à condition de tolérer les stridences d’Alexise Yerna, qui continue d’apparaître chaque saison sur cette scène. Les choristes laissent une impression plutôt favorable, sans aboutir à une finition et une cohésion irréprochables.
Sous la direction de Paolo Arrivabeni, comme toujours soucieux d’élégance et d’équilibre, de nuance et de clarté, l’orchestre manque de transparence au début, mais il sonne par la suite avec plénitude et précision, de manière plus pondérée qu’exacerbée, toutefois. Le mandat du directeur musical, débuté en 2008, se termine de façon admirable, mais il reviendra la saison prochaine dans Macbeth, avec Leo Nucci dans le rôle-titre, qui ne se produit pas dans n’importe quel genre de spectacle, et encore Stefano Mazzonis di Pralafera à la mise en scène. Chacun sait à quoi s’attendre.
Sébastien Foucart
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