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Eruptions spirituelles

Paris
Maison de la radio
06/23/2017 -  
Alberto Posadas : Magma
Claude Vivier : Lonely Child
Jonathan Harvey : Madonna of Winter and Spring

Twyla Robinson (soprano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Gergely Madaras (direction)


G. Madaras (© Balázs Böröcz/Pilvax Studio)


Pas de création attendue en cette première soirée symphonique du festival ManiFeste, mais un retour sur quelques partitions emblématiques des trois musiciens choisis. Place tout d’abord au grand orchestre avec Magma (2000) d’Alberto Posadas (né en 1967). Comme dans Vulcano, la pièce exactement contemporaine de Yann Robin (né en 1974), c’est la métaphore du volcan qui est choisie: «Chaque matériau musical agit comme un minéral de base. Il se transforme, évoluant d’états de cristallisation vers des points de fusion.» Voici pour l’explication géologique. Pour ce qui est de la généalogie, le sommet de l’arbre est facilement identifiable: prédomine l’écriture par masses, nuages de sons (les notes comptent moins individuellement qu’en tant qu’effet collectif), inscrite dans la descendance d’un Malec, voire d’un Xenakis. Les irruptions épidermiques sont interrompues par des séquences faussement immobiles, où les notes tenues et leur halo d’harmoniques impurs sollicitent l’archet volubile des cordes. L’éruption aura bien lieu, à coups de cascades des claviers (glockenspiel, marimba) et des bois perchés dans l’extrême aigu. Du côté des violoncelles, on frotte l’archet sur des verres vides avant l’ultime note tenue par l’accordéon, comme si tout se figeait à la suite d’un refroidissement soudain.


«... et toute la masse orchestrale se trouve alors transformée en un timbre», dit Claude Vivier (1948-1983) de Lonely Child (1974) pour soprano et petit orchestre. Certes, on ressent par endroit la spiritualité d’un Stockhausen et d’un Messiaen, mêlée à quelques influences extra-européennes, mais, à seulement vingt-six ans, le compositeur québécois a d’emblée trouvé sa voix... qui nous déconcerte toujours autant par son alliage subtil de simplicité, d’évidence, et sa complexité interne, cachée. Peu importe que la prononciation de la soprano Twyla Robinson ne compte pas parmi les plus intelligibles, puisqu’il s’agit bien, à l’instar des Cinq Rechants (1948), d’un «langage imaginaire». Maternelle, la soliste entonne une sorte de berceuse en homophonie avec l’orchestre, traversée par un interlude dramatique (coups de la grosse caisse), avant un postlude hors du temps qui intime au public dix bonnes secondes de silence. Bien que le chef hongrois Gergely Madaras eût pu décanter encore davantage les dernières mesures, les musiciens du «Philhar», spécialement les cordes, ont joué avec des regards complices témoignant d’une réelle ferveur collégiale.


Plusieurs écoutes s’imposent afin de percevoir la trajectoire et le rôle structurel confié à l’électronique dans Madonna of Winter and Spring de Jonathan Harvey (1939-2012), créé en 1986 dans le cadre des Proms par l’Orchestre de la BBC dirigé par Peter Eötvös. Si le discours nous a laissé circonspect, la beauté de cette musique à la parure orchestrale extrêmement originale (l’effectif comprend notamment synthétiseurs, un système d’amplification et trois modulateurs en anneaux) frappe d’emblée: on l’écoute comme on contemplerait un retable. Harvey n’a-t-il pas découpé l’œuvre – «en l’honneur de Marie, mère de Jésus» – en quatre sections, «Conflit», «Descente», «Profondeurs» et «Marie»? Riche en solos pour toutes sortes d’instruments (du violon au tuba), en doublures fascinantes (cors anglais), en mélopées jazzy de la petite harmonie, la partition regorge de surprises et de contrastes. La fin, avec ces cordes extatiques qui rappellent certains adagios de Messiaen, renoue avec une générosité mélodique à laquelle la «musique contemporaine» nous avait déshabitués.



Jérémie Bigorie

 

 

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