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Ténèbres et « outrenoir » en ouverture du festival ManiFeste 2017

Paris
Centre Pompidou
06/02/2017 -  
Alberto Posadas : La Lumière du noir – Tenebrae
Tomás Luis de Victoria : Tenebrae Responsories (extraits)

Ensemble vocal Exaudi, Ensemble intercontemporain, Duncan Ward (direction)
Thomas Goepfer (réalisation informatique)




L’Ircam souffle cette année ses quarante bougies, de conserve avec le Centre Georges Pompidou. L’occasion, pour l’équipe de la programmation, de promouvoir à nouveau cette fratrie entre les arts et ce questionnement sur la mémoire à la lumière du (presque) demi-siècle écoulé. On ne peut s’empêcher de songer à la figure tutélaire de Pierre Boulez, notamment à la faveur du concert inaugural du festival ManiFeste où une création d’Alberto Posadas partage l’affiche avec les Répons des Ténèbres de Victoria, à l’instar des concerts du Domaine musical mêlant Webern, Stravinsky, Boulez, Stockhausen à Gabrieli, Machaut, Dufay ou Monteverdi.


«Comment puis-je gérer, en termes sonores, cette dualité absorption/réflexion de la lumière?»: ainsi Alberto Posadas (né en 1967) problématise-t-il la démarche présidant à la composition de La Lumière du noir (2010) d’après la peinture de Pierre Soulages et son fascinant concept d’«outrenoir». Les toiles de Soulages sont mono-pigmentaires, pas monochromes (les zones sombres deviennent claires selon les points de vue), et ne donnent leur pleine mesure qu’en étant offertes au présent du regard, à la luminosité du moment; c’est pourquoi l’outrenoir rend si mal lorsqu’il est figé sur un catalogue imprimé...


Avouons n’avoir pas été totalement convaincus par les «liens solides pouvant s’établir entre sa peinture (...) et l’univers sonore» tant nous a échappé ce discours évoluant «vers un état lumineux ou transparent» (Posadas). Peu ajourées, les textures conservent une forte densité (opacité?), nourrie par des modes de jeu dans l’émission du son qui exaltent les harmoniques impures, voire le bruit blanc et des dynamiques dans l’ensemble très élevées, malgré la direction diligente du juvénile Duncan Ward. Certes, tout un travail s’instaure sur la manière d’entretenir le son, avec l’accordéon faisant le liant entre cordes et vents, de nombreux trilles et tremolos, mais le rapport à Soulages, s’il a bien régi la composition dans l’intimité du laboratoire, fut peu perceptible à l’auditeur.


Plus convaincant, Tenebrae (2013) pour six voix, ensemble et électronique, traduit moins un véritable office des Ténèbres qu’un creuset de spiritualité où dialogueraient la liturgie catholique et une triade de poètes allemands (Novalis, Stefan George, Rilke) dont les textes entrent en résonance avec elle. L’électronique s’emploie à souligner le sens des mots occultés, tandis que le traitement instrumental des voix engendre des périodes d’une grande virtuosité, cadencées par les frottements des deux percussionnistes disposés sur les côtés. Deux interludes instrumentaux chaotiques laissent la place à de fascinants jeux de timbres, tels la trompette et le soprano solo. Face à la grande quantité d’informations incluses dans son œuvre (que n’a-t-on joint les poèmes au programme!), le compositeur nous en voudrait-il si on lui déclare percevoir davantage un écho de l’ars subtilior d’un Johannes Ockeghem que la polyphonie limpide (propre à la Contre-Réforme) de Tomás Luis de Victoria?


Quatre Tenebrae Responsories (1585) de ce dernier étaient proposés en guise de respiration entre les deux pièces de Posadas par l’ensemble vocal Exaudi. Loin des délires mortifères et convulsifs des Répons de Gesualdo, ils dégagent un hiératisme tempéré par la ferveur des interprètes, même si l’acoustique assez sèche de la salle, à défaut d’offrir l’écrin réverbéré d’une église, ne cache aucun des périls rencontrés ici par la soprano, là par le ténor, mais cela ne saurait affecter l’impression générale enthousiasmante que laisse cette interprétation décantée.


Le site du festival ManiFeste



Jérémie Bigorie

 

 

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