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Le bon génie de Toulouse

Paris
Philharmonie
05/20/2017 -  et 19 mai 2017 (Toulouse)
Carl Nielsen : Aladdin, opus 34: Suite
Maurice Ravel : Shéhérazade
Richard Strauss : Salome, opus 54: «Danse des sept voiles»
Igor Stravinsky : L’Oiseau de feu: Suite n° 2 (version 1919)

Marianne Crebassa (mezzo)
Orchestre national du Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev (direction)


T. Sokhiev (© Marco Borggreve)


La venue à Paris de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse et de son charismatique chef Tugan Sokhiev attire toujours un public nombreux et déclenche à chaque fois un grand enthousiasme. Le programme, riche et varié, de ce nouveau concert donné dans le cadre d’un week-end thématique dédié aux «Mille et une nuits» n’a pas dérogé à cette règle, bien au contraire.


Dès le rare Aladin de Nielsen, les musiciens et leur chef séduisent le public, déclenchant à l’issue d’une exécution de haute volée une ovation plutôt digne d’une fin de concert. Il faut dire que cette étonnante musique trouve dans ses interprètes tout ce qu’il y faut, à la fois en termes de précision, de mélange des timbres, de ruptures et de tension. L’étonnant passage «La Place du marché à Ispahan», qui mélange quatre groupes jouant chacun avec ses timbres, son tempo et ses thèmes, est particulièrement réussi. Le hautboïste Chi Yuen Cheng, qui a récemment intégré l’orchestre, fait ici une démonstration de son immense talent, démonstration qui se poursuit tout au long du concert, durant lequel chacune de ses interventions est à la fois captivante et sensible.


Dans Shéhérazade, Marianne Crebassa fait montre d’un talent peu commun avec un timbre finalement assez sombre, auquel on n’est pas nécessairement habitué dans ce répertoire, mais qui convient parfaitement à ces poèmes plus que nostalgiques de Tristan Klingsor. Chaque mot d’«Asie» est chanté avec une parfaite intelligibilité et interprété avec passion, goût et esprit. La voix maintenant plus ample, possède une superbe projection, y compris dans l’aigu, qui résonne dans la belle acoustique de la salle Pierre Boulez. Dans «La Flûte enchantée», la flûte délicate de François Laurent dialogue avec bonheur avec la mezzo-soprano française. Quant à «L’Indifférent», il déborde d’une sensualité toute ravélienne. Tout au long de cette pièce, Tugan Sokhiev construit un tapis sonore fin et élégiaque dans laquelle l’artiste et les différents solistes de l’orchestre n’ont aucun mal à se glisser pour le plus grand bonheur de l’auditeur.


Au retour de l’entracte, Tugan Sokhiev, qui a rarement paru aussi heureux et détendu, attaque avec l’énergie qu’on lui connait la «Danse des sept voiles» de Salomé de Strauss. On reconnaît d’emblée le très grand chef d’opéra, capable en quelques secondes de créer un climat. A l’aise avec cette musique complexe, voire parfois confuse, il réussit à en faire ressortir toutes les aspérités et la modernité sans tomber dans une caricature seulement bruyante. Ces neuf minutes de musique ne sont que tension, construction, déconstruction et ruptures jusqu’au cataclysme final. L’orchestre est ici au mieux de sa forme, sonnant bellement et puissamment sans aucune faiblesse et démontre une nouvelle fois d’immenses qualités individuelles comme collectives. Un orchestre qui joue maintenant incontestablement dans la cour des très grands.


La preuve en est encore donnée par cet Oiseau de feu d’anthologie qui termine le programme officiel. Ici encore, on ne sait quoi admirer le plus entre les contrebasses du début aux graves somptueux et précis, les cuivres puissants et tranchants, le magnifique cor solo à l’incroyable pianissimo de Jacques Deleplancque, l’harmonie aux timbres fins et mélangés, le piano et les harpes d’une précision chirurgicale sans oublier les timbales démoniaques à souhait de Jean-Sébastien Borsarello. Tout est admirable dans cette réalisation qui bénéfice au plus haut niveau d’un jeu engagé et collectif, marque des très grands orchestres et bien entendu de la direction passionnée, précise et élégante d’un Sokhiev investi à chaque seconde de cette toujours incroyable musique.


En bis, le chef et l’orchestre offrent au public, une fois de plus conquis, «Le Jardin féerique» de Ma mère l’Oye de Ravel ; qui portait fort bien son nom, puis une Ouverture de Carmen à la fois puissante, dramatique et élégante. Entendre, voir et sentir une telle entente artistique et complicité entre un directeur musical et des musiciens français est tout de même assez rare, surtout après douze ans de collaboration. On se félicite donc que la ville de Toulouse, son maire, Jean-Luc Moudenc, et le délégué général de l’orchestre, Thierry d’Argoubet, aient choisi de prolonger le contrat de Tugan Sokhiev jusqu’en 2020. Cela promet encore de superbes concerts à Toulouse, Paris et ailleurs.



Gilles Lesur

 

 

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