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Fluide musical Vienna Musikverein 04/29/2017 - et 30 avril, 2 (Wien), 5 (Baden-Baden) mai 2017 Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 39, KV 543
Anton Bruckner : Symphonie n° 4 «Romantique» Wiener Philharmoniker, Herbert Blomstedt (direction)
H. Blomstedt (© Martin J. K. Lengemann)
Que fait donc Herbert Blomstedt pour faire sonner ces œuvres d’une manière aussi humaniste, obtenir ce son resplendissant? Petit homme approchant les quatre-vingt-dix ans, à la gestique vive et arrondie qui semble tracer des enluminures autour des notes, le chef américano-suédois sait certainement faire travailler les autres pour parvenir à ses buts. Les musiciens, d’une part, dont il obtient sans en avoir l’air un engagement absolu: même au milieu des tremolos d’accompagnement, aucun violoniste ne se retrouve confortablement calé au fond de son siège. La partition, d’autre part, dont il parvient à laisser l’orchestration résoudre les questions de dynamiques et d’équilibre. C’est sans doute une des explications à cette exceptionnelle longévité: plutôt que de s’épuiser à lutter contre les éléments, Blomstedt les conjure et les réoriente de manière harmonieuse vers son public. Avant même de monter sur le podium, il semble avoir en tête et au bout des doigts toutes les proportions de la partition: tempos et dynamiques peuvent ainsi évoluer avec fluidité tout au long du concert, et en irriguer l’interprétation.
La symphonie de Bruckner au programme de ce concert d’abonnement bénéficie particulièrement de cet équilibre: les progressions s’imbriquent avec une logique imparable tout en maintenant l’individualité de chaque bloc. Les chorals ne semblent ainsi jamais statiques, exprimant tour à tour questionnement, doute, espoir. La dualité binaire-ternaire de la cellule rythmique est traitée de manière fascinante: d’abord presque syncopée, elle se résout en un unisson éclatant. Les tempos sont le plus souvent vifs, le chef n’hésitant pas emballer le train lorsque cela facilite l’enchaînement des séquences. S’il n’y a pas de volonté clairement marquée de dégraisser les timbres de l’orchestre, une impression équivalente de transparence est atteinte grâce à l’équilibre entre les pupitres, ce qui permet de dégager avec netteté les textures imaginées par le compositeur. Il suffit d’écouter la qualité des accords fortissimo, puissants mais sans véhémence, témoignant un équilibre idéal depuis leur attaque jusqu’à leur extinction. Mention particulière pour des pupitres de cors particulièrement inspirés, au point de sembler s’être par moment démultipliés.
La symphonie de Mozart atteint elle aussi une sorte de grâce noble et mélancolique, à mille lieues de la vision opératique d’un Adám Fischer: là où ce dernier révèle une avalanche de détails inédits et vivifiants, Blomstedt révèle une évidence musicale où rien ne semble hors de place. Derrière le classicisme apparent, une maîtrise absolue du tempo lui permet d’introduire des petites touches de rubato pour libérer des élans qui n’ont rien à envier à ceux d’un Harnoncourt. Et lorsque des moments d’attente sont ménagés, c’est pour mettre en exergue la structure sous-jacente, ainsi que dans le dernier mouvement où le chef semble poser l’exposition comme un point d’interrogation et attendre le développement pour en dramatiser le finale.
Des applaudissements très nourris viennent récompenser l’issue de cette prestation, le chef continuant à être rappelé sur scène bien après le retour en coulisse des musiciens.
Dimitri Finker
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