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Bartók en détails

Baden-Baden
Festspielhaus
04/14/2017 -  
Antonín Dvorák : Danses slaves, opus 72: n° 3 en fa majeur, n° 5 en si bémol mineur et n° 7 en ut majeur – Concerto pour violon en la mineur, opus 53
Béla Bartók : Concerto pour orchestre, Sz. 116

Lisa Batiashvili (violon)
Berliner Philharmoniker, Sir Simon Rattle (direction)


L. Batiashvili, Sir S. Rattle (© Monika Rittershaus)


Trois Danses slaves et non une ouverture symphonique de Dvorák pour commencer : l’idée est excellente, d’autant plus que ces danses sont de longue date un répertoire d’élection pour l'Orchestre philharmonique de Berlin. Cela dit ces trois-là ont été choisies dans le second recueil, le plus tardif opus 72, moins fréquemment joué. La Troisième, Skocná tournoyante et relativement vétilleuse à mettre en place, prend la petite harmonie à froid, avec d’audibles difficultés à négocier les traits dans un même élan d’ensemble. Et puis surtout Simon Rattle incite les cordes à marquer vigoureusement les accents dans les passages rapides, ce qui favorise des sonorités de violons étonnamment criardes. Le rythme de promenade plus serein de la Cinquième paraît moins dangereux mais là encore la massivité de l’ensemble dérange, avec des accents très lourds, sans doute favorisés par un effectif disproportionné (a-t-on vraiment besoin de mobiliser autant de cordes pour les Danses slaves ?). La Septième, mieux connue (un Kolo, d’origine serbe), fonctionne sans anicroche mais les trépignements récurrents de cette ronde paraissent à nouveau étonnamment pesants.


Après cette entrée en matière tapageuse, et somme toute peu agréable, le niveau s’élève avec l’entrée en scène de la violoniste Lisa Batiashvili. D’origine géorgienne mais d’éducation musicale essentiellement allemande, voilà une artiste dont le sérieux impressionne. Pas d’esbroufe, pas de fourreau vertigineux, pas de pieds nus, pas de contorsions aguicheuses ou prétendument inspirées, mais simplement un jeu extrêmement solide et charpenté. Et cet aplomb est bien utile pour dévider l’accumulation continue de traits du Concerto pour violon de Dvorák, surcharge typique d’un répertoire de virtuosité pensé pour le violoniste Joseph Joachim. Grâce à des appuis toujours fermement marqués mais qui n’écrasent jamais les cordes, Batiashvili parvient à garder un contrôle impeccable de toutes ces progressions proliférantes dont l’auditeur pourrait assez facilement perdre le fil. Les sonorités sont magnifiques de bout en bout, y compris dans les escalades les plus vertigineuses : du très grand violon, que Rattle peut accompagner sans prendre trop de précautions, y compris dans le dangereux final, où il n’est pas évident de rester bien ensemble. Mission accomplie, même si là encore on peut penser que Dvorák sort un peu bridé et alourdi de l’aventure. Le meilleur accord entre soliste et orchestre paraît trouvé dans l’Adagio median, moment plus méditatif où viennent se mélanger au timbre de la soliste ceux des non moins exceptionnels hautbois d’Albrecht Mayer et flûte de notre compatriote Mathieu Dufour.


C’est dans le Concerto pour orchestre de Bartók que les musiciens berlinois vont trouver les meilleures occasions de briller, et ils n’en manqueront aucune. Dans une configuration luxueuse (Mathieu Dufour à la flûte, Andreas Ottensamer à la clarinette, Daniele Damiano au basson et Albrecht Mayer au hautbois) les interventions instrumentales solistes se succèdent, toutes d’un niveau réellement concertant, culminant dans les figures du Giuoco delle coppie, moment d’extrême raffinement associant les pupitres deux à deux. La pâte sonore de l’orchestre impose aussi sa formidable richesse dans l’Elégie, où les musiques nocturnes de Bartok résonnent majestueusement, ressacs puissants qui balayent tous les pupitres de cordes. Dans les deux derniers mouvements Simon Rattle se disperse davantage, en accord avec une écriture devenant plus fragmentée, recherches très poussées de détails secondaires dans les tutti, petites signalisations passagères qui ne sont en rien indispensables mais enrichissent évidemment le résultat. En l’occurrence peu de phalanges au monde sont susceptibles de répondre avec autant d’aplomb à des sollicitations aussi subtiles, et c’est là une carte que les Berliner Philharmoniker ont raison de jouer. Un concert inégal mais racheté par cette surabondance de moments passionnants en seconde partie.



Laurent Barthel

 

 

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