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De La Maison des Morts, ou la "défête de la musique" ?

Toulouse
Zénith
06/21/2001 -  
Carl Maria von Weber : Ouverture d'Oberon
Edvard Grieg : Danse Arabe extraite de Peer Gynt
Johann Strauss II : Ouverture de La Chauve souris
Piotr Ilitch Tchaikovski : Polonaise d'Eugène Oneguine
Albert W. Ketelbey : Sur un marché Persan
Gioacchino Rossini : Ouverture de Guillaume Tell
Emile Waldteufel : Les Patineurs
Jacques Offenbach : Galop d’Orphée aux enfers
Alfredo Catalani : “Ebben, ne andrò lontana” extrait de La Wally
Giacomo Puccini : “Nessun dorma” extrait de Turandot

Orchestre philharmonique du Maroc, Jean-Charles Biondi (direction) ; Valéria Florencio (soprano), Jean-Luc Viala (ténor)

Quelle merveilleuse idée d'inviter le jeune Orchestre philharmonique du Maroc, né il y a juste cinq ans, dans ce vaste vaisseau spatial, froid, impersonnel, le Zénith ! On pourrait croire qu'il s'agit d'un engin tout droit sorti de l'imagination d'un vulgaire épigone de George Lucas, mais lui a du génie à revendre.

D'impressionnantes tentures de velours, noirâtres, poussiéreuses, accueillent le mélomane dérouté déjà par de lépreux murs, également noirs. Alors, va-t-on assister à une représentation de la Maison des Morts de Janacek, ou à une veillée mortuaire ? Des enceintes d'un autre âge distillent des notes éparses de Grieg, semble-t-il. Décidément, il serait grand temps que Toulouse, cette si belle cité, qui s'enorgueillit de sa riche culture musicale, se dotât enfin de l'auditorium idoine, digne de sa réputation.
Gare à la clim (et châtiment) poussée à fond dans ce caveau sépulcral !

Ce petit préambule étant posé, place enfin à la musique.

Pour sa première prestation en Europe et en France, l'Orchestre Royal a choisi un curieux programme hétéroclite, mêlant tubes classiques plus ou moins connus, avec une thématique qui se veut en partie orientalisante.

La première partie du concert offre la magnifique Ouverture d'Oberon, pré-wagnérienne en ce qu'elle annonce les futurs Lohengrin et Tannhäuser. Malgré des cordes un peu rêches, il faut saluer la parfaite tenue des cuivres, si sollicités par Weber.

Dans les fines arabesques de la Danse arabe, extraite du Peer Gynt de Grieg (il est arbitraire cependant de la sortir de son contexte, tout comme la Polonaise d'Eugène Oneguine), la phalange marocaine évite tout effet appuyé, qui risquerait de basculer dans le mauvais goût.

C'est incontestablement dans l'Ouverture de la Chauve-souris de Johann Strauss que l'orchestre déploie ses ailes avec aisance et le temps d'un tourbillon viennois, l'on oublie le lieu sordide -à côté duquel l'“orrido campo” évoqué par Amelia dans Un Bal masqué s'avère être un empyrée.

Hélas, le racoleur et sirupeux Marché Persan, avec ses sautillements irritants et son insigne pauvreté rythmique ferait, lui, passer l'œuvre entière de Meyerbeer pour la quintessence de l'art musical. C'est dire la mission impossible pour cette prometteuse formation de s'imposer, malgré un public fort enthousiaste !

Le sémillant Rossini ouvre la deuxième partie avec l'Ouverture de Guillaume Tell, et l'on admire les sublimes soli de violoncelles ou de flûte dans ce mini poème symphonique et toujours la solidité de cuivres incisifs. Las ! Une autre mièvrerie, Les Patineurs, vient rompre la magie de l'instant. On eût préféré une seconde ouverture de Rossini, Semiramis par exemple. Mais le badin et primesautier Orphée aux enfers fait sonner Offenbach comme un cousin proche du prolifique Gioacchino.

L'acoustique déplorable du lieu étant ce qu'elle est, il est difficile, du coup, de juger le soprano agile de Valéria Florencio dans l'air de la Wally, immortalisé par le film de Beneix Diva, tout comme l'exquis raffinement du ténor Jean-Luc Viala, dispensant une admirable leçon de chant dans le célébrissime “Nessun dorma”, à faire pâlir de jalousie les trois ténors.

Mais il faut rendre avant tout, un puissant hommage à tous les artistes authentiques de ce jeune et brillant orchestre, d'avoir joué courageusement dans de telles conditions, l'enchanteur Hymne National Marocain qui clôturait la soirée. Puissent-ils revenir charmer le public toulousain, et pourquoi pas avec une œuvre contemporaine de leur compatriote Ahmed Essyad, auteur notamment de L’Exercice de l'Amour, opéra-lumière, d'une intensité bouleversante.



Etienne Müller

 

 

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