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Tout se joue dans les détails

Vienna
Konzerthaus
03/29/2017 -  et 26 (Essen), 28 (Budapest), 31 (London) mars, 6 avril (København) 2017
Béla Bartók : Musique pour cordes, percussion et célesta, Sz. 106
Gustav Mahler : Symphonie n° 4

Christina Landshamer (soprano)
New York Philharmonic, Alan Gilbert (direction)


A. Gilbert (© Michael J. Lutch)


Pour tout lecteur assidu des chroniques de l’inénarrable Harry Rolnick, correspondant new-yorkais de ConcertoNet, il serait criminel de ne se pas précipiter à une performance d’Alan Gilbert et du Philharmonique de New York: après une centaine d’articles dithyrambiques consacrés à ces deux interprètes, tout concert les réunissant finit par apparaître comme une sorte d’événement mythique.


Tout d’abord, il faut bien reconnaître que le simple fait de voir Alan Gilbert diriger son orchestre est une véritable joie en soi: il y a une telle multitude d’indications musicales dans sa battue, chaque entrée, trille, accent, accord prenant vie au bout de sa baguette – c’est au point de se demander si les musiciens ne pourraient pas simplement se passer de partition. Ce luxe de détails est délivré avec sobriété, sans sacrifier la rigueur de la pulsation. D’autre part, le chef semble concentré à diriger l’orchestre autant qu’à y réagir; au-delà de la très apparente minutie apportée à la construction d’un socle interprétatif en répétition, le cours du concert semble laisser suffisamment d’espaces pour continuer à enrichir l’interprétation par un jeu permanent de micro-ajustements, retransmis et amplifiés par le chef en direction des instrumentistes. L’Orchestre de New York fête cette année, tout comme les Wiener, son cent-soixante-quinzième anniversaire: il démontre une homogénéité et une discipline qui le placent sans nul doute dans le haut du classement virtuel des meilleures phalanges. Il y a cette qualité de son invariablement somptueux, qui ne devient jamais stérile et stimule un impact auditif immédiat; il y a aussi cette faculté à instantanément modifier dynamique ou timbre, comme si on tournait un invisible bouton de potentiomètre.


La pièce de Bartók commence comme dans un rêve, délivrant des pianissimos à peine audibles, pourtant diablement présents et précis. Minimum d’expressivité des musiciens, maximum d’effet sur le public: c’est la conséquence du carcan rythmique et dynamique imposé par le chef. Ce «concerto pour orchestre» conserve une part mystérieuse et fantastique, évoluant en souplesse et élasticité plutôt qu’en force brutale.


La symphonie de Mahler est rendue formidablement intelligible grâce un découpage judicieux de nuances et de tempo; voici un rendu de Mahler humanisé, dont les tourments ou l’ironie semblent à peine affleurer. Au milieu de toute cette beauté sonore, le seul reproche que l’on pourrait formuler serait de ne pas nous mettre suffisamment en danger: malgré une considérable gamme de dynamiques, de tempos, de timbres, même lorsque les New Yorker grondent, il subsiste un sentiment de sérénité qui nous rappelle qu’il ne s’agit que d’une représentation, et que tout finira bien. Seule exception: le deuxième mouvement, dans lequel Alan Gilbert, poussant par le tempo l’orchestre vers la rupture, parvient à instiller un sentiment d’inconfort. La symphonie se conclut avec la soprano Christina Landshamer, qui apporte une pureté quasi enfantine à sa partie vocale: malheureusement depuis les loges placées en avant de la salle du Konzerthaus, on ne pouvait pas voir et à peine entendre la chanteuse – peut-être le public du parterre aura-t-il été plus chanceux.


Ce concert aura fait naître beaucoup de moments magiques, rendant accessible sans l’appauvrir un programme qui aurait pu se révéler complexe, et démontre qu’en matière de direction orchestrale, une certaine dose de surcontrôle ne pénalise en rien la spontanéité interprétative.



Dimitri Finker

 

 

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