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Armida à voix et à footballeur

Montpellier
Opéra Comédie
02/26/2017 -  et 28 février, 3, 5 mars 2017
Gioachino Rossini : Armida
Karine Deshayes (Armida), Enea Scala (Rinaldo), Edoardo Milletti (Gernando, Ubaldo), Dario Schmunck (Goffredo, Carlo), Daniel Grice (Idraote, Astarotte), Giuseppe Tommaso (Eustazio), Jean-Luc Daltrozzo (Mime violoniste), Barbara Derathé (Mère de Rinaldo), Julien Milon, Alfredo Morales (Ephèbes), Virgile Chevallier/Paul-Emile Schauer-Loubens (Rinaldo enfant)
Chœur de l’Opéra national Montpellier Occitanie, Noëlle Gény (chef de chœur), Orchestre national Montpellier Occitanie, Michele Gamba (direction musicale)
Mariame Clément (mise en scène), Jean-Michel Criqui (reprise de la mise en scène), Julia Hansen (décors et costumes), Bernd Purkrabek (lumières), Lino de Backer (reprise lumières)


E. Scala, K. Deshayes (© Marc Ginot)


Coproduit avec l’Opéra des Flandres où il avait été donné quelques jours après les attentats de novembre 2015, l’Armide de Rossini réglée par Mariame Clément arrive à Montpellier, reprise par Jean-Michel Criqui, dans un apaisement contextuel que la frontière linguistique ne permet peut-être pas aux Flamands de mesurer postérieurement. Si le spectacle ne compte finalement qu’une seule mitraillette, le rapprochement de l’homicide involontaire de Rinaldo avec le coup de tête de Zidane, maillot numéro 10 explicitement porté par le héros croisé, dans certaine finale de compétition de football, avec en toile de fond un stade que l’on peut aujourd’hui plus posément apparenter à l’Olympique de Berlin du Troisième Reich, tenait en effet de coïncidences toponymiques assez délicates, qui n’avaient rien à voir, évidemment, avec les intentions dramaturgiques.


La metteuse en scène juxtapose l’hémoglobine guerrière et les exploits sportifs, moins dans la perspective de quelque actualisation transpositrice que pour élucider la dialectique entre l’amour et l’héroïsme à l’œuvre dans le livret que Schmidt, comme tant d’autres, a adapté de l’épopée du Tasse, La Jérusalem délivrée, matrice de quelque deux cents opéras en trois siècles. Ainsi se peut comprendre, au moment de quitter l’antre de la magicienne, l’apparition du Rinaldo enfant, vêtu du même uniforme, prémonitoire, de champion, pour rappeler à son avatar adulte la gloire à lui destinée dès son plus jeune âge et que les bras de l’amour lui ont fait oublier. Au demeurant, les costumes dessinés par Julia Hansen mêlent cottes de maille et boucliers avec les vêtements d’athlètes, faisant contraster la réalité belliqueuse des premiers avec les apparitions fantasmatiques des seconds dans le songe du deuxième acte, tout en suggérant une certaine modernité des sentiments face à l’archaïsme de la guerre – où seule une effigie gonflable, que les soldats se passent de l’un à l’autre, satisfait des besoins réduits à leur expression primitive. La thébaïde amoureuse se pare de divan, corolles florales et éphèbes jusqu’à un instantané dans un cadre à la manière d’une photo de mariage au kitsch rehaussé par les lumières de Bernd Purkrabek, quand le dépouillement de l’issue de l’intrigue ne cherche pas à meubler d’artifices inutiles la défaite d’Armida.


Dans le rôle-titre, qu’elle incarne pour la première fois, Karine Deshayes fait la démonstration d’une virtuosité maîtrisée rivalisant avec une musicalité évidente qui intensifie la caractérisation de son personnage au fil de la représentation, jusqu’à une scène finale irradiante d’intelligence dans une complicité sensible avec la gradation imprimée par la direction de Michele Gamba. Le prometteur chef italien, qui a fait ses débuts l’an dernier à la Scala en remplaçant au pied levé Michele Mariotti un soir de Vendredi Saint dans I due Foscari, s’attache à restituer l’ivresse rythmique de la partition de Rossini, sans hésiter à faire prendre des risques à l’Orchestre national Montpellier Occitanie, quitte à se laisser çà et là piéger par l’acoustique assez sèche de l’Opéra Comédie.


Rinaldo tout en agilité et en style, à la technique prenant peut-être l’ascendant sur le timbre, Enea Scala voit un public succomber à une pectoralité qui ne se limite pas au gosier. En Goffredo et Carlo, Dario Schmunck rivalise d’éclat avec son confrère, tandis qu’Edoardo Milletti révèle en Gernando et Ubaldo des potentialités que l’on pourra suivre. Idraote un rien inégal, Daniel Grice se montre plus consistant en Astarotte. Les apparitions de Giuseppe Tommaso en Eustazio ne déparent aucunement. Enfin, l’on salue le travail efficace réalisé par Noëlle Gény avec le Chœur de l’Opéra national Montpellier Occitanie.



Gilles Charlassier

 

 

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