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Images béjartiennes

Baden-Baden
Festspielhaus
02/18/2017 -  et 19 février 2017
Piaf – Tombées de la dernière pluie – Le Mandarin merveilleux
Béjart Ballet Lausanne


Le Mandarin merveilleux (© Ilia Chkolnik)


Gil Roman entretient la flamme béjartienne depuis de nombreuses années à Lausanne, et il est plutôt rassurant que ce travail de conservation se double aujourd’hui de créations nouvelles, la compagnie du Béjart Ballet Lausanne (BBL) ne pouvant éternellement tourner en rond dans le culte du souvenir exclusif du maître disparu, même lors des tournées à l’étranger qui lui servent de vitrine. Place donc à Tombées de la dernière pluie de Gil Roman, ballet créé en 2015, sur des musiques de Schubert (des fragments du Quintette à deux violoncelles) et du groupe suisse contemporain Citypercussion. L’argument oppose un rôle masculin unique (tenu par l’excellent Julien Favreau) à dix danseuses de la troupe, uniformisée dans un look « jungle » un peu convenu. Ces amazones sont elles les seuls spécimens féminins survivants d’une ère post-apocalyptique ? On n’obtient pas vraiment de réponse au cours de ce ballet relativement long, à déchiffrer vraisemblablement comme un passage de l’autre côté d’un miroir à la façon de l’Orphée de Cocteau (en l’occurrence le danseur principal pénètre dans ce monde bizarre en s’introduisant dans un grand réfrigérateur, mais l’esprit, souligné par des vidéos oniriques, est assez proche). La chorégraphie féminine ne convainc pas toujours, et certains clichés régressifs et carnassiers (façon Mad Max pour ne pas dire navet de série B) emportent de moins en moins l’adhésion, au fur et à mesure que se succèdent ces images au potentiel érotique sibyllin. Si la musique avait davantage de poids que le rock édulcoré de Citypercussion, on s’ennuierait peut-être moins lors de certaines de ces redites, servies au demeurant par un ensemble de danseuses homogène et techniquement impeccable.


Pour équilibrer la soirée, il fallait de toute façon ce contrepoids féminin pour équilibrer Piaf, ballet de Maurice Béjart en hommage à la Môme aux multiples amants, réservé, lui, à un ensemble exclusivement masculin. Sept chansons, pour la plupart bien connues, dont les bandes d’époque chuintent un peu (le grelot de cette voix particulière en devient métallique, pas forcément agréable quand on s’y trouve exposé aussi longtemps et aussi fort). De beaux solos (L’Accordéoniste, Bravo pour le Clown, Mon vieux Lucien), des magnifiques pièces d’ensemble (Les Mots d’amour, T’es beau tu sais...) : une danse vigoureuse qui n’a rien perdu de son élan, hommage aussi au Paris de la java, des macs et des gouapes, même si l’on se demande, en l’absence de surtitrage, quelle est exactement l’impression qu’un public germanophone a pu en retirer.


Univers interlope encore pour Le Mandarin merveilleux, mais plus sordide, puisque la mort est omniprésente dans cet argument expressionniste où il est surtout question d’achever les visiteurs le plus rapidement possible, et où l’arrivée du dernier, un mystérieux chinois qui résiste à une invraisemblable gamme d’outrages avant de consentir enfin à décéder, pose momentanément problème. Un univers de crime et de prostitution où l’on est un peu surpris que le rôle de l’appât féminin soit dansé par un soliste masculin, travesti démarqué de L’Ange bleu. Les costumes, inspirés du cinéma de Fritz Lang, créent une ambiance d’époque plutôt réussie, qui contraste avec la tenue Mao du Mandarin, apparition exotique et décalée. Danse superbement motorique du corps de ballet, qui fait parfois pléonasme avec l’énergie rythmique de la musique, mais c’est là un vieux tic béjartien, et belle performance physique de Masayoshi Onuki dans le rôle du mandarin, Lawrence Rigg se chargeant quant à lui d’une curieuse composition ambiguë. Grâce à la bonne lisibilité de l’argument on ne s’ennuie pas, même si cette danse et cette théâtralité très quadrillées paraissent maintenant d’une modernité anguleuse d’hier, définitivement classée. Peut-être avec le socle d’un véritable accompagnement d’orchestre le relief serait-il supérieur. Mais le nivellement dynamique de la bande enregistrée (la version de Pierre Boulez et du Philharmonique de New York) est décevant, le soin technique apporté par le BBL à la restitution de ses accompagnements sonores paraissant relativement sommaire.



Laurent Barthel

 

 

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