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Résurrection réussie de Tannhäuser dans la «version de Paris» en français

Monaco
Monte-Carlo (Opéra)
02/19/2017 -  et 22, 25, 28 février 2017
Richard Wagner : Tannhäuser (version de Paris en français)
José Cura (Tannhäuser), Aude Extrémo (Vénus), Annemarie Kremer (Elisabeth), Jean-François Lapointe (Wolfram), Steven Humes (Hermann), William Joyner (Walter), Roger Joakim (Biterolf), Gijs van der Linden (Henry), Chul-Jun Kim (Reinmar), Anaïs Constans (Un pâtre)
Chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, Stefano Visconti (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Nathalie Stutzmann (direction musicale)
Jean-Louis Grinda (mise en scène), Laurent Castaingt (décors et lumières), Jorge Jara (costumes), Eugénie Andrin (chorégraphie)


J. Cura (© Alain Hanel)


Attention, événement: l’Opéra de Monte-Carlo a décidé de proposer le Tannhäuser de Wagner dans la «version de Paris» chantée en français, qui n’a plus été donnée depuis un siècle et demi, date de sa création. Pour l’occasion, le maître de Bayreuth avait remanié la «version de Dresde», créée quinze ans plus tôt, en étoffant et réorchestrant la scène du Venusberg tout en y ajoutant un ballet, véritable figure imposée du «grand opéra» à la française. Malgré ces concessions, ce fut un échec cuisant en raison de la modernité d’un langage musical choquant les oreilles conservatrices des mélomanes du Second Empire. Sans oublier la cabale des membres du Jockey Club, furieux d’être privés des fanfreluches des danseuses situées au début de l’œuvre quand ils avaient l’habitude de n’arriver qu’à l’entracte pour en profiter en milieu de spectacle. Fort heureusement, l’Histoire jugera et ce chef-d’œuvre de Wagner s’imposera progressivement sur toutes les scènes du monde.


Pour l’occasion, Jean-Louis Grinda a conçu l’une de ses plus belles mises en scène en jouant la carte de l’épure dans la lignée de Wieland Wagner. Dans une direction d’acteur tirée au cordeau, les déplacements restent constamment mesurés à l’image d’un Tannhäuser courbant l’échine sous le poids de la douleur après être passé par les délices frelatés d’une maison d’opium, symbole du Venusberg. Dans cette optique, les chanteurs évoluent sur un plateau incliné en demi-lune à l’arrière duquel sont projetés des effets vidéo permettant de situer l’action. C’est ainsi que les éclairages fantasmagoriques de Laurent Castaingt, suggérant à merveille les délires d’un héros sous l’emprise de «paradis artificiels», céderont la place aux arcades stylisées aux couleurs changeantes et mordorées d’une église romane dans laquelle se déroulera le concours de chant pour évoluer, au troisième acte, vers le clair-obscur d’un paysage dénudé.


L’interprétation de José Cura sera à l’avenant. Aucun effet histrionique dans ce chant d’une pureté exemplaire, culminant dans un récit du pèlerinage à Rome murmuré en mezza voce grâce à une maitrise remarquable d’une voix mixte qui n’est jamais détimbrée. Naturellement, cela ne l’empêchera pas de briller dans les grands éclats de la partition mais on sent que le ténor argentin cherche avant tout à déceler la part d’humanité et de vulnérabilité d’un Tannhäuser qui devient ici l’exacte antithèse de celui plus virulent, voire antipathique, jadis incarné admirablement par Wolfgang Windgassen.


Face à lui, le Wolfram racé et merveilleusement déclamé de Jean-François Lapointe n’appellera que des éloges. Il en ira de même des Walter, Biterolf, Henry et Reimar respectivement interprétés par William Joyner, Roger Joakim, Gijs van der Linden et Chul-Jun Kim, avec une mention spéciale pour le pâtre d’une grande pureté de ligne d’Anaïs Constans. Et quel plaisir d’apprécier une prononciation soignée de la langue de Molière chez tous ces interprètes comme du côté des chœurs, idéalement soudés par Stefano Visconti!


On n’en dira malheureusement pas autant de la Vénus d’Aude Extrémo, à la voix certes spectaculaire mais au français parfaitement inintelligible alors qu’elle a pourtant fait ses classes au Conservatoire de Bordeaux. On ne savait pas qu’on enseignait le «sutherlandais» en Gironde... Quant à l’Elisabeth au timbre moelleux d’Annemarie Kremer, elle a tendance à gommer les consonnes dès que le débit s’accélère. Fort heureusement, sa prière du dernier acte lui permettra de mieux soigner son articulation et de trouver des nuances émouvantes.


Enfin, on saluera la direction passionnante de Nathalie Stutzmann à la tête d’un Philharmonique de Monte-Carlo en forme olympique. Dès l’entrée des cordes sans vibrato de l’Ouverture, le ton est donné: on aura droit à une lecture «historiquement informée» sur instruments modernes, à l’image de ce qu’ont fait Abbado, Rattle ou Jansons dans Beethoven. Fort heureusement, cette option sera défendue sans dogmatisme, avec une conception très chambriste pour mieux faire ressortir les dialogues entre pupitres et les alliages de timbres inédits de l’orchestre.


De ce fait, en dépit de certaines réserves sur les voix féminines, on saluera cette nouvelle production de Tannhäuser qui, par son originalité, sa grande poésie et son sens du mystère, a su préserver la couleur «bleu-argent» de la musique de Wagner qui était si chère à Thomas Mann.



Eric Forveille

 

 

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