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Quand Daniel D’Adamo et Stefano Gervasoni accrochent l’oreille

Paris
Maison de la radio
02/15/2017 -  
José Manuel López López : Homing (création)
Stefano Gervasoni : Ansioso quasi con gioia
Daniel D’Adamo : Two English Poems by Borges
Sanae Ishida : Poèmes enchaînés (création)
Mauro Lanza : Tutto ciò che è solido si dissolve nell’ aria
Tristan Murail : La Valée close (création)

Ensemble Accroche Note: Françoise Kubler (soprano), Anne-Cécile Cuniot (flûte), Armand Angster (clarinette), Guillaume Faraut (violon), Laurent Camatte (alto), Christophe Beau (violoncelle), Jean-Daniel Hégé (contrebasse), Geneviève Létang (harpe), Emmanuel Séjourné (percussion & direction), Sylvie Reynaert (percussion), Anthony Millet (accordéon), Wilhem Latchoumia (piano)


S. Gervasoni (© Francisco Alvarado Basterrechea)


Cela fait plus de trente-cinq ans que l’Ensemble Accroche Note défend la musique contemporaine avec une pugnacité et un nombre de créations à son actif qui forcent l’admiration. On était donc très heureux de pouvoir l’entendre dans le cadre de Présences, quand bien même la voix de Françoise Kubler n’a plus la projection d’antan et le programme prenait des libertés avec la thématique du festival, centrée sur Kaija Saariaho.


Le début de Homing, sur un texte de Dionisio Canas qui retrace le drame vécu par les migrants, était prometteur: sorte de marine pour ensemble, où percussions (vaguelettes du marimba), contrebasse, harpe et accordéon plongent l’auditeur dans une oppressante atmosphère nocturne. Exacerbé, le chant de François Kubler se mue bien vite en onomatopées furieuses, tandis que les instruments miment le naufrage du bateau de fortune. Il est regrettable que la fin imaginée par José Manuel López López (né en 1956) quitte ainsi les eaux troubles de l’évocation pour les effets criards de l’illustration, avec salle plongée dans le noir, sifflets et téléphones portables. Le malaise consécutif au hiatus entre la légitimité du propos et la vulgarité de sa mise en œuvre prend hélas le dessus.


Le cheminement d’Ansioso quasi con gioia (2015) pour clarinette basse de Stefano Gervasoni (né en 1962) suit, à l’inverse, une ligne ascendante: la virtuosité obsessionnelle du début, qui n’épargne à l’interprète aucun flatterzunge et aucune note répétée, laisse bientôt place à des lignes plus souples, où les sauts de registres sont réalisés avec un étonnant sens plastique des sonorités; et ce qui pouvait passer pour une pièce de concours de se changer en un fascinant tour de force polyphonique. Mais comment Armand Angster fait-il pour tirer de tels sons de son instrument?


Joués sans chef d’orchestre, les Two English Poems by Borges (2009, révision 2015) de Daniel d’Adamo (né en 1966) témoignent de la discipline rythmique de l’Ensemble Accroche Note, car voilà sans doute la pièce la plus contrapuntique du programme. L’écriture finement ciselée enlumine les vers rhapsodiques du grand écrivain argentin. Si le volume dépasse rarement le forte, l’intensité du discours ne vacille jamais. Une mention spéciale au talentueux pianiste Wilhelm Latchoumia, dont les contorsions à l’intérieur de son instrument sont fortement mises à contribution tout le long de la pièce.


Tout ce qui était stable et solide se volatilise (2015) nous rappelle Mauro Lanza (né en 1975) en empruntant le titre de sa nouvelle pièce au Manifeste du parti communiste de Marx et Engels. Le Vénitien, compositeur en résidence auprès de l’ensemble 2E2M depuis 2016, nous a habitués aux instrumentariums hétéroclites: équipés de divers ustensiles, les musiciens, après un début sotto voce à la clarinette et au violoncelle, s’acheminent de plus en plus vers une sorte de «temps strié» (pour reprendre la terminologie boulézienne) au gré de diverses sections enchaînées par à-coups. Emmanuel Séjourné bat la mesure d’une main tandis que l’autre frappe un tuyau sur ses cuisses. Même lorsqu’elle requiert un effectif réduit, la musique de Lanza ne se départit jamais d’une forme de théâtralité, consubstantielle à sa poétique.


Ces «matériaux simples [...] qu’on trouve dans la vie quotidienne», la Japonaise Sanae Ishida (née en 1979) les sollicite de son côté pour ses Poèmes enchaînés, mais on en retient davantage l’écriture vocale qui se souvient fortement des chefs-d’œuvre libérateurs du genre signés de Berio, Ligeti ou Ohana.


L’inflexion stylistique de Tristan Murail (né en 1947) a de quoi laisser dubitatif: délaissant les spectres qui constituèrent la marque de fabrique de ses œuvres les plus accomplies, l’auteur de Désintégrations (1982) a investi récemment des genres pour lesquels sa manière semble peu adaptée: ainsi du pâle Concerto pour piano «Le Désenchantement du monde» (2012), aux percées postromantiques, et de cette Vallée close, pour voix et ensemble, donnée ici en première mondiale. Chantés dans leur langue originale (toscan littéraire), les poèmes issus du Canzoniere de Pétrarque donnent naissance à un langage musical sans réelle identité, où les réminiscences lisztiennes (Deuxième Année de pèlerinage), du reste pleinement revendiquées, s’immiscent dans la trame instrumentale. Sans doute le timbre voilé de Françoise Kubler en a-t-il limité les éclats, mais cette partition demeure un ovni dans le catalogue de Murail qui, à diverses occasions, n’a jamais caché son manque d’affinité avec la voix. Pourquoi contrarier ainsi sa muse? Retour à Gondwana (1980), L’Esprit des dunes (1994) et surtout Serendib (1992), son opus magnum.


Le site de l’Ensemble Accroche Note
Le site de José Manuel López López
Le site de Stefano Gervasoni
Le site de Daniel D’Adamo
Le site de Sanae Ishida
Le site de Tristan Murail



Jérémie Bigorie

 

 

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