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Présences 2017: concert d’ouverture Paris Maison de la radio 02/10/2017 - Kaija Saariaho : Graal Théâtre – Adriana Songs
Raphaël Cendo : Denkklänge (création) Nora Gubisch (mezzo-soprano), Jennifer Koh (violon)
Orchestre philharmonique de Radio France, Dima Slobodeniouk (direction)
Après avoir mis le cap sur Berlin (2014), les Amériques (2015) puis l’Italie (2016), le festival Présences renoue cette année avec les grandes figures de la création en centrant sa programmation sur l’une des compositrices les plus jouées au monde, Kaija Saariaho (née en 1952). Parisienne d’adoption, la Finlandaise est de surcroît éprise de littérature française, comme le montrent les œuvres jouées lors de ce concert d’ouverture où figurait également une création de Raphaël Cendo.
Musicien phare du mouvement saturationniste aux côtés de Franck Bedrossian (né en 1971), Raphaël Cendo (né en 1975) fit une entrée fracassante sur la scène musicale, bien que la confrontation avec la grande forme l’amenât à infléchir quelque peu son langage. Registre de lumières, pièce de grande ampleur pour chœur, ensemble instrumental et électronique créée lors du festival Manifeste 2014, attestait de cette capacité à jongler en virtuose des sons saturés et transitoires avec un réel sens de la dramaturgie. Si Denkklänge («Pensée-son»), sa première commande d’Etat, ne convainc pas totalement, c’est qu’à la durée se greffe ici la problématique du grand orchestre. Passées les premières minutes – véritable concentré d’énergie brute qui voit les archets frotter les cymbales et un petit arsenal de percussions insolites en action – où la musique semble perforer le silence, la panoplie des modes de jeu finit par tourner à vide faute d’une réelle directivité. Aussi l’attention est-elle accaparée ici par une cadence (assez savoureuse au demeurant) du tuba, ailleurs par les clusters du piano ou par telle percussion, sans qu’on échappe à une certaine gratuité des effets. Raphaël Cendo possède des opus plus accomplis à son catalogue.
Graal Théâtre (1994), concerto pour violon d’après le livre éponyme de Jacques Roubaud, n’a pas été sans causer quelques difficultés à Kaija Saariaho tant le poids de la tradition pouvait se montrer étouffant... avant d’être pleinement assumé: la partie soliste regorge de traits convulsifs, d’effets qu’on croirait extraits d’un Caprice de Paganini ou d’un concerto de Bartók, mais ils mettent étrangement de côté tout pizzicato afin de promouvoir la variété des coups d’archet. L’œuvre finit comme elle a commencé: chatoiement (triangle) des percussions et solo de violon sollicitant les harmoniques aigus. Faut-il voir une influence de Lutoslawski? Découpée en deux mouvements (Delicato et Impetuoso), la forme rappelle fortement le fameux «Hésitant» – «Direct» institué par le maître polonais (dont l’influence fut notable sur Esa-Pekka Salonen et Magnus Lindberg) dans sa dernière période, même si Graal Théâtre gagnerait à resserrer sa durée. Les relais motiviques entre les pupitres comme l’orchestration toujours enveloppante dégagent une forte sensualité, que Jennifer Koh assume à fleur d’archet.
Le concert se refermait en beauté avec les Adriana Songs (2006), issues du deuxième opéra de Saariaho, Adriana Mater. Le très beau texte d’Amin Maalouf nous plonge dans les affres de la maternité avant un final d’une rédemption toute mahlérienne. On y trouve la compositrice à son meilleur, maîtresse de ses sortilèges, et tissant une trame orchestrale d’une infinie délicatesse quoique sans préciosité sous le souple arioso de la chanteuse. Nora Gubisch est, quant à elle, dans son «Jardin d’automne» (titre de la première pièce) grâce à sa diction incarnée et son timbre chaud. N’étaient quelques mélismes orientalisant, la ligne vocale avoisine le débit parlé, avec une rythmique qui respecte la prosodie. Faisant suite à un interlude instrumental en demi-teinte, l’ultime pièce, «La Vie retrouvée», exacerbe les conflits (comme dans les Altenberg-Lieder de Berg) avant un épilogue envoûtant. Difficile, pour les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Radio France dirigé par le fiable Dima Slobodeniouk, de ne pas tomber eux-mêmes sous le charme de ce qu’ils sont en train de jouer.
Le site du festival Présences 2017
Le site de Kaija Saariaho
Jérémie Bigorie
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