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Passion Lyrique

Toulouse
Auch
06/08/2001 -  du 8 au 16 juin
Händel ; Verdi ; Tchaikovsky…
Les Musiciens du Parnasse François ; Derek Lee Ragin ; Musicatreize ; Sergei Larin …

Au printemps, les fleurs fleurissent, les champs verdissent, les festivals éclosent un peu partout. Et le mélomane de se dire : “Encore un festival ! C’est quoi, ça, Auch !”
Eh oui! Auch, modeste mais fort joli chef-lieu du département du Gers (23 000 habitants que l’on nomme Auscitains et non auchois, mais cela ne manque pas de sel) et capitale de l'Armagnac, située à une heure environ de Toulouse, a son festival, et quel festival !

Présent partout, dans la presse régionale et nationale, sur France Musique[s] (l’s aussi est au choix), sur diverse chaînes câblées ou non, sur le web grâce à son site eclatsdevoix et donc, maintenant aussi, honneur suprême (mais si!), sur Concertonet, le festival d’Auch est devenu, après dix ans d’existence, incontournable. Il faut dire que la liste des invités, où se croisent les noms de Béatrice Uria-Monzon, marraine du festival et voisine, Leontina Vaduva, Montserrat Figueras, James Bowman, Andreas Scholl, Gérard Lesne, Wolfgang Holzmair et tant d’autres, a de quoi faire pâlir d’envie bien des organisateurs de manifestations au prétentions plus huppées.

À quoi tient donc un tel succès? Au bon air d’Armagnac, à la beauté de la campagne gersoise, au renom de la gastronomie locale ? Non, bien sûr (mais consultez tout de même le Michelin avant le voyage…). Ce succès est dû à la ténacité, à la pugnacité même, du créateur du festival, Patrick de Chirée, personnalité éminemment chaleureuse et sympathique, médecin mélomane et chef de chœurs à ses heures, fondateur de l’ensemble vocal La Campanella, possédé du démon de la voix et pris de la fièvre de faire partager sa passion.

Il a ainsi construit une programmation variée, avec comme seul objectif de faire découvrir ses propres coups de cœurs et d’explorer des chemins parfois hors-normes, Pierre Perret côtoyant cette année Sapho ou Derek Lee Ragin dans Hændel. Il faut d’ailleurs saluer le succès véritablement populaire de cette manifestation, le public étant composé, fait rare, à 80 pour cent d’habitants de la région. On sent d’ailleurs les musiciens particulièrement heureux et détendus de chanter devant une audience aussi chaleureuse et expansive.

Le festival s’ouvrait cette année avec un programme d’œuvres chorales baroques donnée par La Campanella et les Musiciens du Parnasse François sous la direction de Patrick de Chirée lui-même, où l’on pouvait entendre le Requiem de Jean Gilles, mais aussi des œuvres, plus rares encore, de Caldara, Grandi et Legrenzi, signe tout à la fois de la qualité atteinte par cet ensemble amateur, et de la curiosité d’esprit de son animateur.

Les deux concerts les plus attendus étaient, bien sûr, celui du 9 juin donné par Derek Lee Ragin et l’ensemble Florilegium de Londres, et celui du 12 juin avec Sergei Larin et Eleonora Bekova.
On a dit un peu tout et son contraire sur la voix de Derek Lee Ragin, certains adorant, d’autres détestant ce timbre effectivement particulier. Pourtant, dans le cadre de ce concert, il faut bien dire que la prestation du contre-ténor était sans reproche. Certes, on a entendu vocalisation parfois plus précise, notamment dans une première partie où la voix bougeait un peu, mais virtuosité et longueur de souffle sont véritablement exceptionnelles. Surtout, l’instinct dramatique, l’énergie donnée aux airs, comme la variété des ornements dans les Da Capo montrent une grande maîtrise du style baroque. Que le timbre n’ait pas la chaleur de celui d’un Lesne, que l’extrême aigu soit parfois légèrement difficile (pas plus en soi que chez nombre de chanteurs de ce registre) et que l’on puisse reprocher une légère tendance au maniérisme (mais mieux vaut ne pas écouter Jacobs dans ce cas…) n’ont pas véritablement de poids, car la présence du chanteur, son rayonnement et son implication s’imposent sans contestation. Il est par contre dommage qu’il ait été accompagné par un ensemble très insuffisant, notamment les violons qui ont magistralement sabordé les accompagnements hændeliens par une justesse plus qu’approximative (ah! les grincements dans les unissons…)

On connait la prédilection de Sergei Larin pour la mélodie russe, domaine dans lequel il a signé de remarquables enregistrements. Aussi, on ne s’étonnera qu’à moitié -voire pas du tout- que la deuxième partie de son récital, consacrée à ce répertoire, ait été nettement plus réussie que la première où il a abordé de façon totalement absente des mélodies, pas vraiment passionnantes, de Verdi. Ni le timbre, peu italien par sa couleur sombre, ni la technique, avec des voyelles peu ouvertes et un aigu parfois trop couvert, ne lui ont permis de rendre justice à des pièces qui, il faut bien le dire, ne comptent pas non plus au nombre des chefs-d’œuvre du genre.
Mais, dès que l’on aborde Tchaïkovski, Cui ou Rachmaninov, le chanteur semble se transformer. Si l’on suivait jusque là le récital d’un œil distrait, plus attiré par le profil d’une pianiste très décorative que par la silhouette immobile d’un ténor peu concerné, on découvre tout à coup la formidable présence d’un acteur passionnant. Vivant véritablement ces mélodies, les jouant comme autant de drames miniatures, Sergei Larin incarne autant de personnages différents qu’il y a de mélodies, rendant palpables les moindres changements d’atmosphères. Cette incarnation du chant, non pas artificielle, mais procédant d’une connaissance profonde des textes et d’une correspondance intime avec la musique, culmine dans des Chants et danses de la mort de Moussorgsky à frémir d’horreur. De plus, la voix se déploie ici dans toutes ses couleurs, parfois grinçante, parfois lyrique, toujours expressive sans tension.
Il est un peu, dommage, là encore, que le festival n’ait pu bénéficier d’un piano à la hauteur de l’événement et qu’il ait fallu se contenter d’un instrument court de son, mal réglé, aux basses cartonneuses et désaccordées.

Mais c’est un peu là le problème de ce festival. L’ambition, légitime et d’ailleurs réussie, de Patrick de Chirée, d’en faire un moment d’exception, se heurte à la réalité d’une petite ville ne disposant ni des moyens ni des salles permettant de l’organiser dans les meilleurs conditions. Pourtant, la présence d’un public nombreux -il a fallu visiblement refuser des spectateurs pour le concert de Derek Lee Ragin- et de grands noms du chant prouve tout l’intérêt de sa démarche, que l’on ne peut qu’applaudir. Mais il est indéniable que le théâtre de poupées d’Auch n’est pas le cadre idéal pour l’organisation de grandes soirées lyriques, et il est parfois visible que les moyens matériels manquent.

Pourtant, le Festival Eclats de voix mérite, plus que tant d’autres festivals routiniers et sans flamme, de connaître le succès du public et le soutien des institutions, car l’enthousiasme contagieux qui l’a fait naître est la meilleure clef pour faire découvrir -et aimer- l’art lyrique.

Alors, bon courage à l’équipe si sympathique du festival et “Que le vent soit doux, que l’onde soit paisible et que tous les éléments répondent à vos désirs”.




Laurent Marty

 

 

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