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Une Damnation voilée

Liège
Opéra royal de Wallonie
01/25/2017 -  et 28, 31 janvier, 2, 5* février 2017
Hector Berlioz: La Damnation de Faust, opus 24
Paul Groves (Faust), Nino Surguladze (Marguerite), Ildebrando d’Arcangelo (Méphistophélès), Laurent Kubla (Brander)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Pierre Iodice (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Patrick Davin (direction)
Ruggero Raimondi (mise en scène), Daniel Bianco (décors), Jesús Ruiz (costumes), Albert Faura (lumières)


(© Lorraine Wauters/Opéra royal de Wallonie)


La question ne se pose pas : La Damnation de Faust se prête à être mise en scène, malgré les défis à relever. Il est vrai que son potentiel théâtral ténu et sa structure narrative décousue incitent à privilégier le visuel, mais les personnages doivent tout de même se détacher. Après un Attila poussiéreux en 2013, Ruggero Raimondi revient à l’Opéra royal de Wallonie pour monter la légende dramatique, sans convaincre davantage.


Dans cette proposition, le visuel supplante le drame. Le spectateur fait face en permanence à une toile translucide dressée entre lui et la scène et sur laquelle sont projetées des photographies, des représentations de peintures ou des vidéos. L’illustration avec des soldats de la Première Guerre mondiale s’explique en ces temps de commémoration, mais les costumes et les autres projections rendent le positionnement dans le temps incertain, cette figuration guerrière devenant incohérente avec le recul ; la mise en scène joue aussi la facilité en montrant longuement des chevaux au galop durant la course à l’abîme. Restent tout de même quelques effets épatants dans la seconde partie, mais le procédé devient trop systématique et finit par lasser, surtout que la scène demeure continuellement sombre, ce qui augmente l’impression de confusion. Derrière ce voile se hisse une structure métallique semi-circulaire. Cela change de ces traditionnels décors en carton-pâte, mais cet élément peu original reste sous-exploité.


Ce procédé dépassé, voire ringard, du voile semi-transparent impose une distance entre la salle et le plateau qui empêche d’entrer en résonnance avec les chanteurs. Dans le programme, l’ancien baryton-basse parle d’énergie et de vibration, malaisément traduite dans cette scénographie pénible. Il entend aussi rendre hommage à Eugène Frey, auteur à son époque d’un dispositif de projection pour La Damnation de Faust. Pourquoi pas, mais les notes d’intention suggèrent que le metteur en scène a finalement peu de choses à nous raconter sur le chef-d’œuvre de Berlioz. La direction d’acteur échoue ainsi à conférer du relief aux personnages.


Ce n’est donc pas dans cette nouvelle production que le spectateur applaudira de véritables incarnations, mais l’amateur de chant racé reste aussi sur sa faim. Seul le Faust de Paul Groves satisfait dans une certaine mesure aux exigences, même si la mise en scène nous laisse indifférent à ses tourments. Le timbre séduit d’emblée et la prestation vocale se hisse constamment à un niveau élevé : netteté de l’émission, lyrisme du phrasé, homogénéité de la tessiture. Remplaçant Marc Laho, qui a dû déclarer forfait pour cause de maladie, le ténor demeure le seul à accorder toute son importance à la prononciation.


Disposant de moyens importants, Nino Surguladze chante dans une langue incompréhensible en plus de négliger le style : sa Marguerite n’a ni la finesse ni la sensibilité attendues. Ildebrando d’Arcangelo déçoit encore plus en Méphistophélès : malgré ses capacités vocales, le baryton peine à convaincre sous les traits de ce personnage démoniaque et séducteur dont il échoue à révéler les facettes. Laurent Kubla, qui ne fait que passer en Brander, manque de truculence et de puissance. Frustes et désunis, les choristes négligent eux aussi le français : Pierre Iodice les a déjà mieux préparés que cela.


Reste Patrick Davin dans la fosse, le seul à nous combler ce dimanche, à l’exception du ténor : lui, au moins, se soucie du style et du drame. Manquant parfois de contrastes, cette exécution décantée révèle néanmoins les audaces berlioziennes, l’orchestre sonnant avec précision et plénitude.



Sébastien Foucart

 

 

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