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Champagne et mousseux

Baden-Baden
Festspielhaus
12/31/2016 -  
Airs et extraits d’opéras de Hérold, Gounod, Suppé, Massenet, Bizet, Johann Strauss fils, Lehár, Lecocq, Louiguy et Giuseppe Verdi
Sonya Yoncheva (soprano), Piotr Beczala (ténor)
Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern, Domingo Hindoyan (direction)


(© Manolo Press/Michael Bode)


Programmer un concert de Saint-Sylvestre quand on ne dispose d’aucun orchestre à demeure paraît difficile. Pourtant le Festspielhaus de Baden-Baden parvient à contourner chaque année l’obstacle en engageant l’une des formations radiophoniques voisines, qui n’ont en principe pas de charge de travail particulière ce soir-là.


Le problème est résolu mais en apparence seulement, puisqu’il faut se résigner dès lors à un niveau musical tout juste présentable. La Deutsche Radio Philharmonie de Sarrebruck Kaiserslautern est pourtant une formation assez fournie mais il n’en sort vraiment rien de palpitant, voire les longs passages obligés de ce genre de soirée, destinés surtout à laisser les chanteurs reprendre un peu de souffle, sont d’un ennui pénible. Une lourdeur imperturbable (Valse de Faust, Ouverture de La Chauve-Souris), un manque cruel de séduction des timbres (Ouverture Poète et paysan de Franz von Suppé) voire une cohésion très perfectible (Ouverture de Zampa d’Hérold) : on cherche vainement quelque chose qui dépasse de cette routine fonctionnarisée. Rappelons que ces musiciens sont issus de la « fusion » de deux orchestres, il y a presque dix ans déjà et qu’apparemment ils ne s’en sont toujours pas remis. Rappelons malheureusement aussi que maintenant que le SWR vient de faire « fusionner » aussi ses orchestres de Fribourg et Stuttgart, en créant le trou noir que l’on a pu malheureusement constater en septembre dernier, il n’y a plus guère de formation symphonique présentable le long des frontières du sud-est de l’Allemagne, seule la valeureuse Badische Staatskapelle de l’Opéra de Karlsruhe faisant figure de rescapée. Triste constat, surtout en cette période de vœux !


De grandes voix sont systématiquement invitées pour relever le niveau de cet ultime concert de l’année au Festspielhaus, avec un bonheur variable selon les éditions. Olga Peretyatko, Rolando Villazón et Thomas Hampson, très attractifs en 2012, avaient fait salle comble, alors que les plus modestes Angel Joy Blue, Massimo Giordano et Erwin Schrott ont probablement peiné davantage à remplir en 2015. Cette fois, avec Sonya Yoncheva et Piotr Beczala le compte y est sur le plan du prestige vocal, mais une notoriété pas encore optimale et de surcroît un programme composé presque exclusivement d’opéras français expliquent peut-être les quelques centaines de places qui restent libres dans la salle.


On connaît pourtant bien Sonya Yoncheva à Baden-Baden, notamment pour y avoir remplacé à plusieurs reprises des stars qui se sont désistées tardivement (Anna Netrebko, Diana Damrau...). Depuis son premier prix au concours Operalia de 2010, la soprano bulgare prend de l’assurance à une vitesse impressionnante et sa voix atteint à présent une ampleur qui nous rappelle de plus en plus Anna Netrebko au même âge. Vraiment superbe, en termes de richesse de timbre, de rechange de couleurs, de sûreté technique aussi (remarquable trille lent, particulièrement musical, au début de l’Air des bijoux de Faust). Et une articulation très correcte du français qui ne gâche évidemment rien (à l’exception d’un imprudent «O Paris, ô gai séjour» de Lecocq, peut-être moins travaillé et peu intelligible, voire d’une Vie en rose hors sujet, où le fantôme d’Edith Piaf ne passe qu’à état de pâle souvenir). Sur le plan des personnages, la Marguerite de Gounod est très crédible, d’une sensibilité bien rodée maintenant, après de nombreuses incarnations sur scène. Mais on reste surtout captivé par une insolente incarnation de la Manon de Massenet, jeune femme fatale très sûre d’elle, qui sait jouer habilement de tous les atouts de séduction de sa voix. Carmen, plus convenue, fonctionne assez bien aussi mais le personnage reste encore coulé d’un bloc et Yoncheva nous y paraît moins essentielle. En revanche Juliette de Gounod conserve beaucoup de candeur et de sensibilité, en compagnie d’un parfait Roméo. Ni l’un ni l’autre n’ont l’âge présumé de leurs rôles (de jeunes adolescents chez Shakespeare) et pourtant cette convention, grâce à des voix techniquement d’une remarquable fraîcheur, fonctionne bien.


Piotr Beczala est une valeur sûre parmi les ténors d’aujourd’hui, sa précision et sa sûreté techniques nous rappelant souvent le serein Nicolai Gedda de naguère, ce qui n’est pas un mince compliment. A la réserve près que les débuts de soirée sont souvent tendus et qu’il faut attendre quelques airs pour que l’émission s’assouplisse et que le timbre conquière tout son rayonnement. Les Lehár de fin de programme sont souverains d’aisance, Roméo aussi, l’air de la fleur de Carmen un modèle de style, alors que Faust en début de programme paraît encore un peu crispé. L’élocution française, parfois perfectible sur les voyelles, demeure remarquable dans l’ensemble, en particulier dans Carmen, où l’on a vécu tant d’aberrations stylistiques monstrueuses qu’on ne les compte plus. La prestance physique fait le reste : un interprète avec lequel il faut vraiment compter, même si ce soir c’est sans doute sa partenaire qui tire un peu la couverture à elle. En tout cas, dans les duos, le mariage de ces deux timbres, très opulent pour elle, plus tranchant et percutant pour lui, est particulièrement heureux.


En bis on prolonge le plaisir d’être ensemble avec «L’heure exquise» de La Veuve joyeuse de Lehár, puis le «Brindisi» de La Traviata qui devient décidément incontournable pour les fins d’année, y compris des claquements de mains en cadence du public qui heureusement s’éteignent vite, le plaisir d’écouter des voix d’exception reprenant seul le dessus. Accueil chaleureux pour les solistes, étendu au chef vénézuélien Domingo Hindoyan, qui s’est beaucoup démené pour donner un semblant d’impact à son orchestre : une bonne prestance et des compétences d’accompagnateur qui semblent prometteuses... Pour la petite histoire, il s’agit aussi du mari de Sonya Yoncheva, ce qui vaut à notre Carmen ou à notre môme Piaf d’un soir quelques apartés séducteurs ostensiblement appuyés à l'égard du chef, ce qui met évidemment le public en joie.



Laurent Barthel

 

 

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