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Daniel Harding au paradis d’Allah

Paris
Philharmonie
12/21/2016 -  et 22 décembre 2016
Robert Schumann : Das Paradies und die Peri, opus 50
Christiane Karg, Kate Royal (sopranos), Gerhild Romberger (contralto), Andrew Staples (ténor), Matthias Goerne (baryton)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Lionel Sow (chef de chœur), Orchestre de Paris, Daniel Harding (direction)


G. Romberger (© Rosa Frank)


Les Scènes de Faust avaient inauguré le mandat et la première saison de Daniel Harding à la tête de l’Orchestre de Paris (voir ici). Le Paradis et la Péri, le premier oratorio profane de Schumann, termine l’année. De l’un à l’autre, le fil est continu : à l’instar de Marguerite, la Péri est un ange déchu, comme les aime le romantisme – la courtisane rédimée en constitue un avatar. Il faudra qu’un enfant en prière attendrisse le cœur d’un criminel repenti pour que le paradis d’Allah lui ouvre ses portes : ce sera, après deux sacrifices insuffisants pour lui, « le don que le Ciel aime par-dessus tout ». Le Lalla Roukh de Thomas Moore n’a d’ailleurs pas seulement inspiré le musicien allemand : Félicien David en fit un opéra-comique, aux enjeux très différents, créé en 1862.


Schumann annonce-t-il Wagner par l’enchaînement des numéros ? On les distingue encore, malgré tout. Mais, loin de le morceler, ils assurent la continuité du drame, alors que la générosité de l’invention mélodique et les couleurs de l’instrumentation, au demeurant très discrètes dans l’exotisme, ne cessent de séduire. Les Scènes de Faust ne devraient pas faire de l’ombre au Paradis et la Péri – n’oublions pas non plus Le Pèlerinage de la rose. Certains passages ont une légèreté rappelant Mendelssohn, d’autres une puissance qui n’a rien à envier aux grands oratorios bibliques. Et le final irradie, dans la jubilation du rachat.


Daniel Harding succède à John Eliot Gardiner, Nikolaus Harnoncourt ou sir Simon Rattle, qui ont redonné des couleurs à l’opus schumannien. Comme eux, il se garde bien de toute emphase annexant l’œuvre un romantisme plus tardif et semble nous rappeler qu’elle fut créée en 1843. En phase avec un Orchestre de Paris des grands soirs, qu’il n’a pas voulu au grand complet, avec une quarantaine de cordes, il concilie la clarté et la ferveur : pâte sonore fluide et moelleuse, couleurs subtiles, phrasés galbés. Mais rien de « sulpicien » avant l’heure : le geste est ferme, l’émotion ne vire pas à la fadeur, l’arc du drame tendu.


On n’en sent pas moins une empathie dans cette direction, comme chez le Narrateur d’Andrew Staples, timbre un peu nasal mais magnifique de nuance et de noblesse, à la ligne mozartienne. La splendide Gerhild Romberger, contralto profond à l’aigu lumineux, ressuscite la plus grande tradition allemande. Un peu noyée dans le grand vaisseau de la Philharmonie, Kate Royal projette malgré tout son soprano au cristal frais. C’est Matthias Goerne qui dépare le quatuor, plus engorgé que jamais, faisant sombrer le si bel air de la troisième partie. Le chœur est superbe d’homogénéité et de souplesse – aérien « Hervor aus den Wässern geschwind », dont le thème annonce... la « Chevauchée des Walkyries ».


Christiane Karg est-elle vraiment la Péri ? La modestie du médium et du grave compromettent beaucoup de passages d’une partie qui n’exige pas seulement un aigu rayonnant – elle réussit évidemment beaucoup mieux le finale. La pointe d’acidité du timbre ? Disons qu’elle exprime les tourments de la pauvre Péri. Reste un joli chant, que l’on aimerait quand même plus frémissant.



Didier van Moere

 

 

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