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Ce n’était pas trop tôt

Bruxelles
Palais de la Monnaie, Tour & Taxis
12/13/2016 -  et 14, 16, 18*, 20, 21, 22, 23, 27, 28, 30 décembre 2016
Nikolaï Rimski-Korsakov: Le Coq d’or
Pavlo Hunka*/Alexey Tikhomirov (Tsar Dodon), Alexey Dolgov (Tsarévitch Guidon), Konstantin Shushakov (Tsarévitch Aphron), Alexander Vassiliev (Voïvode Polkan), Agnes Zwierko (Amelfa), Alexander Kravets (Astrologue), Venera Gimadieva*/Nina Minasyan (Tsarine de Chemakha), Sheva Tehoval (Coq d’or)
Académie de chœur de la Monnaie, Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène, costumes), Lionel Hoche (chorégraphie), Barbara de Limburg (décors), Joël Adam (lumières)


(© Baus: Munt-Monnaie)


Enfin du Rimski-Korsakov à la Monnaie. Ce n’était pas trop tôt : ses opéras brillent par leur absence en Belgique, alors qu’il compte parmi les plus importants compositeurs lyriques. Si les archives du théâtre disent vrai, il faut remonter jusqu’en 1981 pour en retrouver un à l’affiche, Le Coq d’or (1907), justement, de retour dans une mise en scène de Laurent Pelly et des décors de Barbara de Limburg. Le spectacle imaginé par ce tandem fidèle à son langage théâtral et visuel rappelle les excellentes productions de Don Quichotte (2010) et de Cendrillon (2011).


Pour les adieux de José van Dam en chevalier, le plateau était recouvert de papiers. Le voici tapissé de charbon. C’est que Laurent Pelly conçoit cet opéra comme un conte sombre, malgré l’amusant gallinacé, qui avertit le tsar Dodon d’un danger, et le lit géant, dans lequel ce souverain naïf cultive sa fainéantise. La preuve : cette farce ne nous fait guère rigoler, ce qui explique la petite déception ressentie à la sortie. La mise en scène exploite trop peu la veine satirique et subversive de cet ouvrage loufoque, seul le dernier acte se référant au destin des peuples victimes de despotisme, lorsque le lit s’avance sur un char. Mais elle témoigne de l’habile sens de l’image et du rythme de Pelly. Reprise à Nancy en mars et à Madrid à la fin de la saison dans des distributions différentes, cette production demeure admirable et constitue une excellente occasion d’emmener toute la famille à l’opéra. Si Le Coq d’or a subi la censure tsariste, ici, rien ne heurte les sensibilités.


Ce n’était pas trop tôt non plus pour Alain Altinoglu qui dirige enfin son premier opéra depuis sa nomination, l’année passée, au poste de directeur musical. Rendant justice à l’écriture très élaborée de Rimski-Korsakov, toute de finesse et de poésie, l’orchestre sonne à merveille, les bois et les cuivres plus encore que les cordes. Révélant les vives séductions de cette musique extraordinaire, le chef prend encore la peine d’exécuter au piano, avec la konzertmeister, un arrangement d’extraits de l’opéra pendant le précipité entre les deuxième et troisième actes.


Essentiellement russophones, les chanteurs incarnent leur personnage sans forcer le trait. Dans le rôle de Dodon, Pavlo Hunka parait court de grave mais le baryton reste maitre de ses moyens et cerne finement la psychologie de ce tsar ridicule. Les deux Alexander, Vassiliev et Kravets, livrent d’excellentes prestations, leur voix épousant étroitement le caractère du Voïvode et de l’Astrologue. Parfaite de timbre et de style en Amelfa, Agnes Zwierko marche dans les pas de ces grandes mezzos russes d’antan, à la voix si caractéristique. Alexey Dolgov et Konstantin Shushakov chantent trop peu pour se démarquer, mais ils excellent en tsarévitchs jumeaux, morts tous les deux la tête écrasée par une pierre.


La palme de la performance d’exception revient à la Tsarine de Chemakha de Venera Gimadieva, dont le chant de longue haleine épate par son agilité, sa force et ses aigus percutants. Et Sheva Tehoval détient celle de l’incarnation de charme en coq d’or, et ce paradoxalement, car cette soprano à la voix fraîche et claironnante demeure en coulisse, une comédienne portant l’encombrant costume du volatile doré – un délice. Les chœurs, enfin, affichent leur degré de finition habituel, mais ne rivalisent pas tout à fait avec l’orchestre et les solistes dans la recherche de couleurs idiomatiques.


La Monnaie, qui accueille le public au mieux, n’y est évidemment pour rien, mais assister à un spectacle dans ce chapiteau met vraiment les nerfs à rude épreuve, car quand il ne s’agit pas de bruit d’avions, il faut subir des détonations de pétards, lancés par des personnes qui n’ont rien de mieux à faire. Ces désagréments n’empêchent toutefois pas d’apprécier à sa juste valeur cette belle production qui attise le désir de voir un autre opéra du compositeur. Cela tombe bien : l’Opéra des Flandres achève sa saison avec Sadko.



Sébastien Foucart

 

 

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