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Les beaux soirs de la Fondation Vuitton Paris Fondation Louis Vuitton 12/12/2016 - Claude Debussy : En blanc et noir – Lindaraja
Igor Stravinsky : Symphonie de psaumes (arrangement Dimitri Chostakovitch)
Witold Lutoslawski : Variations sur un thème de Paganini
Thomas Adès : Paraphrase de concert sur « Powder Her Face »
Maurice Ravel : La Valse Thomas Adès, Kirill Gerstein (piano)
T. Adès (© Brian Voce)
Il faut le répéter : la programmation de la Fondation Louis Vuitton a toute sa place dans la saison musicale parisienne, notamment à travers le « Piano nouvelle génération ». Mais le vaisseau de Frank Gehry accueille aussi des artistes confirmés, comme Thomas Adès et Kirill Gerstein, qui ont donné un magnifique concert – la présence dans l’auditorium d’un compositeur contemporain d’une telle notoriété constitue déjà, en soi, un événement. Ils offraient de surcroît, en première européenne, un « concert paraphrase » concocté à partir de Powder Her Face, mise en musique de la vie agitée et scandaleuse de la sulfureuse Margaret Campbell, duchesse d’Argyll – un des opéras les plus osés du répertoire. Une partition assez narrative où l’on sent certaines références musicales dont Adès a parsemé son opéra, devenu ici une sorte de mini-drame en musique. L’œuvre, d’ailleurs, ne dépare pas un programme consacré au vingtième siècle, dont l’Anglais assume l’héritage.
Un compositeur au piano, surtout quand il affiche une telle aisance au clavier, est de toute façon un gage de mise en valeur des lignes, des plans et des rythmes : cela se sent, avec un Kirill Gerstein toujours à l’unisson, dès un En blanc et noir de Debussy plein de rebonds et de clairs-obscurs, comme dans la vaporeuse et hypnotique Lindaraja, habanera d’une séduction capiteuse. La transcription par Chostakovitch de la Symphonie de psaumes de Stravinsky est superbe : on croirait l’œuvre destinée à deux pianos. Est-ce pour cette raison ? Est-grâce aux deux interprètes, qui recréent littéralement la partition ? On écoute sans superposer dans son esprit la version originale, ce qu’on fait souvent, malgré soi, avec les « arrangements ». Les Variations Paganini de Lutoslawski bondissent, caracolent dans une virtuosité jubilatoire. Le vertige viendra aussi de La Valse de Ravel, où les pianos sonnent comme l’orchestre, produisant la même impression que la Symphonie de psaumes. Une orgie sonore et rythmique, d’un souffle apocalyptique, plongée délirante dans des ténèbres abyssales, qui vous grise littéralement.
Didier van Moere
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