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Un classique, déjà !

Baden-Baden
Festspielhaus
10/14/2016 -  et 15*, 16 octobre 2016
Roméo et Juliette
John Neumeier (chorégraphie), Serge Prokofiev (musique), Jürgen Rose (décors et costumes)
Hélène Bouchet (Juliette), Alexandr Trusch (Roméo), Dario Franconi (Tybalt), Karen Azatyan (Mercutio), Konstantin Tselikov (Benvolio), Aljoscha Lenz (Le Comte Pâris), Marc Jubete (Frère Laurent), Ballet de Hambourg, Philharmonie Baden-Baden, Markus Lehtinen (direction)




Une pièce de musée, le Roméo et Juliette de John Neumeier? Maintenant oui, certainement, mais rappelons que les musées débordent de choses passionnantes. La reprise de cet élément majeur du patrimoine du Ballet de Hambourg sur la scène du Festspielhaus de Baden-Baden méritait donc bien une visite attentive.


Neumeier a abordé ce grand ballet de Prokofiev tôt dans sa carrière, dès 1971, avec un succès immédiat, alors qu’il est tout jeune directeur du Ballet de Francfort. Appelé par August Everding à Hambourg deux ans plus tard, il va reprendre immédiatement ce travail, dont la version définitive n’a plus jamais quitté le répertoire de la compagnie. Au fil des saisons, les balletomanes de la cité de l’Elbe auront eu l’occasion de le revoir inlassablement (plus de 250 000 billets auront été vendus pour ce ballet, en quarante ans), et d’y comparer les vertus respectives de solistes progressivement renouvelés (même sur deux générations successives de danseurs : la toute jeune Emilie Mazon, fille de l’une des anciennes titulaires de Juliette, danse à présent le même rôle...). Bref à tous égards, ce Roméo et Juliette reste un incontournable, figé aussi dans sa perfection première par les talents de décorateur et costumier de Jürgen Rose. Une scénographie relativement lourde, par ses éléments de décor coulissants sur deux niveaux en fond de scène, mais dont la virtuosité coloriste fonctionne encore aussi bien qu’au premier soir. De superbes images, subtilement composées en couleurs complémentaires, qui évoquent avec bonheur, une certaine naïveté raide incluse, les fresques de Mantegna ou de Piero della Francesca. Toute une Renaissance italienne revit sous nos yeux, la lumière des projecteurs nimbant l’ensemble d’une aura légèrement sépia. Daté certes, mais tellement accompli ! Alors, pourquoi y changer quoi que ce soit ?


Dès ses premières chorégraphies, Neumeier excellait déjà à créer de véritables rôles à l’intérieur de ses ballets d’action. On reste émerveillé encore aujourd’hui par le talent narratif d’une danse où chaque attitude complète par petites touches des profils psychologiques complexes. Ici Roméo et Juliette, sont vraiment juvéniles : lui adolescent téméraire, très bondissant, d’abord assez désordonné dans ses pulsions, elle délicieusement maladroite au début, constamment touchante dans ses premiers émois. Mais bien d’autres rôles sont subtilement caractérisés : Frère Laurent, complice à peine plus âgé, les parents de Juliette, hautainement raides dans leur incompréhension malheureuse, ou encore l’agressif et athlétique Tybalt et le farceur Mercutio, qui joue sa mort comme une ultime plaisanterie. Excellente idée aussi d’expliciter le stratagème final grâce à une représentation de théâtre de tréteaux, pendant que Frère Laurent et Juliette restent immobilisés à l’avant-plan.


Ce soir-là tous les rouages du Ballet de Hambourg fonctionnent avec naturel. Un mot-clé pour cette compagnie, qui ne recherche pas à tout prix une perfection d’ensemble. Parfois les symétries sont un peu fautives, de discrets décalages surviennent, mais il importe surtout que la danse reste en prise avec une véritable crédibilité, et à cet égard tout demeure magnifiquement réussi. Jusqu’à l’artifice démonstratif de certaines scènes de réjouissances populaires, éléments plus formels inévitables dans un grand ballet d’action, et que l’on traiterait peut-être avec d’autres moyens aujourd’hui.


Magnifique distribution pour tous, la troupe continuant à regorger de personnalités fortes. Irremplaçable Hélène Bouchet en Juliette, toujours aussi diaphane et merveilleusement émouvante, crédible même en présence d’un Roméo pourtant nettement plus jeune qu’elle à l’état civil : Alexandr Trusch, solide, précis, d’une magnifique expressivité. En Tybalt Dario Franconi est arrogant à souhait, parfait querelleur italien ombrageux, et Karen Azatyan est la fantaisie même en Mercutio. Le sobre Comte Pâris d’Aljoscha Lenz et le bondissant Benvolio de Konstantin Tselikov complètent judicieusement cette galerie de portraits variés.


En fosse, la Philharmonie de Baden-Baden s’attaque à une partition difficile et longue, sans paraître trop dépassée sur le plan technique, sous la direction experte de Markus Lehtinen, un habitué du Ballet de Hambourg. Parfois on peut déplorer un certain manque de relief, du fait d’un effectif qui reste inférieur à celui d’un grand orchestre symphonique, mais globalement l’esprit de cette musique tantôt lyrique tantôt percutante est bien respecté.



Laurent Barthel

 

 

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