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La magie opère toujours

Paris
Opéra Bastille
11/03/2016 -  et 6, 9, 12, 15, 18, 21, 24, 27 novembre 2016
Jacques Offenbach : Les Contes d’Hoffmann
Ramón Vargas*/Stefano Secco (Hoffmann), Stéphanie d’Oustrac (La Muse, Nicklausse), Nadine Koutcher (Olympia), Ermonela Jaho (Antonia), Kate Aldrich (Giulietta), Doris Soffel (La mère d’Antonia), Roberto Tagliavini (Lindorf, Coppélius, Miracle, Dapertutto), Yann Beuron (Andrès, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio), Paul Gay (Luther, Crespel), Cyrille Lovighi (Nathanaël), Rodolphe Briand (Spalanzani), Laurent Laberdesque (Hermann), François Lis (Schlemil)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction)
Robert Carsen (mise en scène), Michael Levine (décors et costumes), Jean Kalman (lumières), Philippe Giraudeau (chorégraphie), Ian Burton (dramaturgie)


R. Vargas, E. Jaho (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)


Les années ont beau passer, on revoit toujours avec délice ces Contes d’Hoffmann conçus en 2000 par Robert Carsen, merveille de mise en abyme – une de ses marques de fabrique. Le décor de l’opéra se mêle à l’Opéra lui-même, salle ou coulisses, comme dans le Capriccio straussien quatre ans plus tard, les personnages se confondent avec les spectateurs, l’œuvre fusionnant avec sa propre représentation – et sa gestation à l’intérieur de l’imaginaire du héros pris de vin. Le metteur en scène n’en reste pas moins au plus près du fantastique hoffmannien, à travers cette référence perpétuelle à la nouvelle Don Juan qui structure le spectacle – exécution de l’opéra de Mozart en costumes hispanisants au milieu de toiles peintes, d’où surgira aussi la Mère. Le méchant devient alors maître d’œuvre, mauvais génie plus que diable traditionnel : chef d’orchestre à l’acte d’Antonia, metteur en scène à celui de Venise. Une parabole de la création, portée par une direction d’acteurs virtuose, où la légèreté le dispute au pathétique. Carsen est venu régler lui-même les choses : on mesure la différence avec ces productions dont les artisans envoient leurs assistants. La magie opère toujours.


Après le naufrage stylistique de Samson et Dalila, ces Contes d’Hoffmann mettent du baume au cœur, parce que chacun, même s’il peut parfois avoir un accent, sait comment chanter français. Certes les admirateurs de Jonas Kaufmann, empêché par un hématome sur les cordes vocales, ont traîné les pieds, d’autant plus qu’ils avaient 25% plus cher pour leur idole – enfin, s’ils sont abonnés, on leur offrira un spectacle... Ils ont dû reconnaître que, par la voix et le style, Ramón Vargas est un superbe Hoffmann, souple, à l’aigu aisé, allant sans peine jusqu’au bout d’un rôle long et exigeant. Cela dit, il reste plus chanteur qu’interprète, on ne doit pas attendre de lui un Hoffmann romantique allemand, ténébreux et délirant. Pas de noirceur satanique chez Roberto Tagliavini, en accord finalement avec la production : il joue plutôt sur l’insinuation perverse, sans le moindre histrionisme, belle voix de basse chantante, fort bien conduite.


Sabine Devieilhe a, elle aussi, déclaré forfait... à cause d’un heureux événement cette fois. Pour le coup, on l’a regrettée : Nadine Koutcher fait de l’effet, a du suraigu, mais taquine parfois la justesse et manque de subtilité. Giulietta est un rôle ingrat : loin de le renouveler, Kate Aldrich y est mal à l’aise et sa courtisane très vamp peine à souder ses registres. Ermonela Jaho nous les fait oublier, tant sa superbe Antonia nous subjugue par la beauté de la voix et du chant, la pertinence désespérée de l’incarnation. Muse ou Nicklausse, Stéphanie d’Oustrac n’a rien à lui envier, épanouie dans l’opulence de son timbre, l’égalité de sa tessiture et le modelé de sa ligne. Yann Beuron veut-il, comme Michel Sénéchal jadis, se faire ténor de caractère, alors qu’il était il n’y a pas si longtemps l’Admète d’Alceste ? Rien ne l’en empêche : ses trois comiques sont impayables. Tous les rôles secondaires, d’ailleurs, sont parfaits – on sait que sans eux l’opéra perd tout son sel. Pourquoi, en revanche, aller chercher Doris Soffel pour incarner la Mère, comme s’il n’y avait pas de chanteuse française pour ses quelques mesures ?


Peut-être n’attendait-on pas ici Philippe Jordan. Il crée la surprise dans cette version faite à la fois de Choudens et d’Oeser. Revue de fond en comble, La partition revit, s’éclairant de mille détails oubliés ou insoupçonnés. La direction est alerte, si rapide parfois que le chœur ne suit pas, parfois goguenarde, pathétique quand il le faut : on n’a pas toujours le directeur musical de l’Opéra aussi libéré.



Didier van Moere

 

 

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