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De l’Orient à l’Occident

Paris
Maison de la radio
09/16/2016 -  
Jacques Ibert : Escales
Camille Saint-Saëns : Concerto pour piano et orchestre n° 5 en fa majeur, opus 103 «Egyptien»
Maurice Ravel : Shéhérazade
Florent Schmitt : La Tragédie de Salomé (Suite), opus 50

Stéphanie d’Oustrac (mezzo-soprano), Jean-Yves Thibaudet (piano)
Orchestre national de France, Stéphane Denève (direction)


S. Denève (© SWR/Uwe Ditz)


Année de transition pour l’Orchestre national de France, Emmanuel Krivine ne venant prendre ses marques qu’à partir de septembre 2017. Pour débuter une saison riche en chefs (Bernard Haitink, Neeme Järvi ou Semyon Bychkov mais aussi la jeune garde représentée entre autres par Giancarlo Guerrero, Andrés Orozco-Estrada ou Juraj Valcuha), en solistes (Jean-Yves Thibaudet, artiste en résidence à Radio France pendant la saison, Anne-Sophie Mutter, Frank Peter Zimmerman, Nelson Freire...) et en projets (signalons notamment Pelléas et Mélisande en version scénique sous la direction de Louis Langrée et Carmen en version de concert sous la baguette de Simone Young), le concert de rentrée s’avérait des plus prometteurs.


On reproche assez aux orchestres nationaux de ne pas assez donner de musique française: force est de constater que le programme de ce soir était plus que jamais national. Ensuite, on ne peut que saluer l’originalité des pièces car, même si elles ne sont pas totalement inconnues, entendre Jacques Ibert ou Florent Schmitt était une opportunité à saisir (regrettons au passage que trop de sièges soient restés vides, certains ayant peut-être eu peur d’un programme aventureux à leurs yeux). Enfin, outre deux solistes de talent, l’orchestre accueillait à sa tête l’excellent chef Stéphane Denève qui, en dépit d’une brillante carrière à l’étranger (chef titulaire du Philharmonique de Bruxelles, il dirige régulièrement les grands orchestres américains, étant même premier chef invité de celui de Philadelphie, ainsi que le Concertgebouw d’Amsterdam ou quelques autres phalanges internationales de premier plan), se fait trop rare en France. Et, en fin de compte, osons dire que nous avons entendu là un concert véritablement enthousiasmant, d’une qualité superlative.


Même si l’on aurait pu souhaiter parfois quelque chose d’un tant soit peu plus langoureux, le National embrasse les Escales (1922) de Jacques Ibert (1890-1962) avec des couleurs fauves et mordorées qui enivrent dès l’introduction. Denève dirige avec une liberté généreuse qui convient parfaitement à ce morceau aux accents fauves qui renvoient à Debussy et Ravel, où s’illustre le hautbois envoutant de Nora Cismondi dans le deuxième mouvement «Tunis. Nefta», accompagné par des pizzicati de cordes évoquant à merveille les mystères orientaux.


Pour la deuxième œuvre au programme, le Cinquième Concerto (1896) de Camille Saint-Saëns (1835-1921), composé alors que celui-ci était en voyage à Louxor, on ne quitte pas cette atmosphère mystérieuse. Grand spécialiste de l’œuvre qu’il a jouée à travers le monde et qu’il a enregistrée sous la direction de Charles Dutoit (voir ici), Jean-Yves Thibaudet en donne une version extrêmement équilibrée où l’agilité technique se fait complètement oublier, le pianiste impressionnant par la délicatesse de son toucher (le deuxième mouvement!) et par l’évidence d’une partition foisonnante. Dans le premier mouvement (Allegro animato), Thibaudet dialogue de façon extrêmement harmonieuse avec l’orchestre où s’illustre l’ensemble de la petite harmonie avant que, douce rêverie en dépit de son attaque des plus trépidantes, n’arrive l’Andante: le sommet de l’interprétation de ce soir où la finesse fit figure de leitmotiv. Enfin le Molto allegro conclusif s’abandonna dans une explosion de couleurs dominée par l’entente parfaite entre l’orchestre, que l’on aura parfois trouvé un peu trop sur la réserve, et le soliste. Après avoir prononcé quelques mots rendant hommage à son maître Aldo Ciccolini, qui lui a fait découvrir ce concerto alors qu’il était son étudiant au Conservatoire de Paris, Jean-Yves Thibaudet offrit en bis à sa mémoire une des Valses D. 145, opus 18 de Schubert, concluant de superbe manière une excellente première partie de concert.


La seconde fut de la même eau avec Shéhérazade (1903) de Maurice Ravel (1875-1937) que le National avait notamment eu l’occasion, voilà près de 41 ans, de jouer sous la direction de Leonard Bernstein, Marylin Horne assurant la partie soliste (voir ici). Bien éduquée à l’«école William Christie», Stéphanie d’Oustrac est idéale, elle qui a déjà enregistré Shéhérazade sous la baguette de Stéphane Denève avec l’Orchestre symphonique de la Radio de Stuttgart. Sa projection assurée se double d’une prononciation parfaite (n’oublions pas qu’en plus d’une occasion, il peut malheureusement s’avérer difficile de comprendre la langue de Molière bien qu’interprétée par un chanteur français!) et surtout d’une implication de chaque instant (il faut voir sa gestique, les expressions de son visage...), le chant se voulant rêveur ou suave selon les besoins, la jeune chanteuse caractérisant ainsi la moindre phrase. Extrêmement attentif dans son accompagnement, Denève déploie toute la sensualité de l’orchestre propre à rendre hommage à ce triptyque subtilement ciselé.


Enfin, rendant hommage à une autre héroïne légendaire de l’Orient, la Tragédie de Salomé (1907) de Florent Schmitt (1870-1958), dont on se souvient peut-être de l’interprétation qu’en avait donnée Yannick Nézet-Séguin à la tête du National il y a quelques années. Avec un orchestre pléthorique de plus de quatre-vingt-dix musiciens, Stéphane Denève enchaîne les cinq séquences de cette suite symphonique avec délectation, les cuivres rugissant de plaisir, la petite harmonie (notamment le pupitre de clarinettes dont la clarinette basse, les bassons et le contrebasson ainsi que le cor anglais) apportant les éclats nécessaires à une partition parfois un brin naïve (la «Danse des perles»). Denève dirige l’ensemble comme une vaste fresque en technicolor: la réussite de l’interprétation lui revient pleinement, le public et l’orchestre l’ayant chaleureusement salué à juste titre. Autant dire que le prochain concert de l’Orchestre national de France (également un programme de musique française avec Milhaud, Connesson et Poulenc) qu’il doit diriger le 22 septembre est attendu avec impatience!


Le site de Stéphane Denève
Le site de Jean-Yves Thibaudet
Le site de l’Orchestre national de France



Sébastien Gauthier

 

 

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