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Chemins de traverse

Grenoble
La Côte-Saint-André (Halle médiévale)
08/27/2016 -  
Silvestre Revueltas : Homenaje a Federico García Lorca
Juan Camilo Hernández Sánchez : Vernácula bailante
Terry Riley : I>In C

Florent Derex (projection sonore), Augustin Muller (informatique musicale), Le Balcon, Maxime Pascal (direction musicale)
Myrtille Debièvre (scénographie)




Défendre Berlioz, sa musique et son héritage ne se limite pas aux partitions autographes du compositeur et à ses affluences et confluences d’époque. Bruno Messina, directeur du festival de La Côte-Saint-André depuis 2009, l’a bien compris, en invitant la création à la table d’Hector. Si l’édition 2016 met à l’affiche les grandes œuvres du musicien romantique, telles Roméo et Juliette ou Benvenuto Cellini, sous les baguettes les plus averties, ou s’attache à mettre en avant des raretés, sous le patronage du Palazzetto Bru Zane, à l’instar de la reconstitution – avec vote du public à l’issue du concert – du prix de Rome 1828 qui vit l’Herminie de Berlioz céder la première place à un certain Guillaume Ross-Despréaux, passé depuis dans les fosses communes de l’histoire, l’écriture contemporaine trouve une place de choix dans la programmation, de Manoury à Gilbert Amy – lequel célèbre ses quatre-vingt ans – avec des commandes d’œuvres, sans oublier les postérités décalées sinon ludiques, défendues dès le concert d’ouverture par Maxime Pascal avec une relecture de la Symphonie fantastique, adaptée pour formation de chambre par Arthur Lavandier.


C’est d’ailleurs le jeune et talentueux chef français qui dirige une soirée iconoclaste dans les fonts baptismaux du rendez-vous isérois, la halle médiévale au cœur de la ville, rendue désormais à son génie acoustique et spatial, plus favorable à des rencontres musicales festives compensées par l’amplification sonore, plaçant ce samedi sous le signe de la nuit de sabbat, thème dont la fécondité berliozienne n’est plus à démontrer. La pièce augurale, Homenaje a Federico García Lorca, due à Silvestre Revueltas, condense, en une dizaine de minutes, une évidente puissance poétique où le foisonnement rythmique du compositeur mexicain réussit une étourdissante synthèse des innovations musicales de son temps, du jazz à Stravinski, dans un langage à l’originalité irrésistible, que ne manquent pas de défendre les interprètes. L’avant-garde ne contraint jamais un lyrisme débordant qui respire ici avec une juvénilité communicative, dévoilant toute la fraîcheur intacte d’une page vieille de plus de sept décennies, et où l’on peut déceler, par exemple, quelque souvenir anamorphosé de la «Marche au supplice».


La création de Hernández Sánchez confirme que la modernité latino-américaine ne se confit pas dans l’expérimentation laborantine. Inspiré par l’éveil des sens au cœur de la forêt amazonienne, Vernácula bailante fait appel à toutes les ressources de la performance musicale sinon artistique, de la répartition des pupitres dans le public jusqu’au happening plastique avec une toile que l’on déchire au milieu du morceau, au bras ou à l’archet. Berlioz n’aurait sans doute pas renié cette science de l’effet. L’hétérogénéité du matériau n’interdit jamais le plaisir de l’auditeur, happé par des motifs souvent rythmés et colorés, voire remarquablement suggestifs, quand bien même l’architecture générale se révèle un peu trop lâche pour ne pas conduire à une certaine lassitude avant la fin d’un morceau aux dimensions plus généreuses que l’attention du mélomane. Le concert se referme par In C de Terry Riley, variation minimaliste et hypnotique sur le do, déployant une fascinante plasticité des tempi et des intensités, impulsée avec autant de précision que d’énergie par Maxime Pascal. Assurément, les musiciens de l’ensemble Le Balcon se sont approprié l’exigeante simplicité d’un langage qui ne pardonne aucune faiblesse: la fièvre du sabbat peut dès lors commencer. Le public est ensuite invité aux languissantes évocations de Barbara Carlotti avant le délire potache de Jim Sharman et son film The Rocky Horror Picture Show. A La Côte-Saint-André, la postérité berliozienne n’a cure de l’orthodoxie pour se faire plus vivante que jamais, dans une diversité parfois inattendue.



Gilles Charlassier

 

 

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