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Sinfonia des adieux

Périgueux
Chancelade (Abbaye)
08/23/2016 -  
Heinrich Schütz : Geistliche Chormusik: «Ich weiss, dass mein Erlöser lebt», SWV 393, «Der Engel sprach zu den Hirten», SWV 395, & «Erbarme dich mein, o Herre Gott», SWV 447 – Symphoniae Sacrae II: «Es steh Gott auf, dass seine Feinde», SWV 356, «Verleih uns Frieden genädiglich», SWV 354, & «Gib unsern Fürsten», SWV 355
Dietrich Buxtehude : Liebster, meine Seele saget, BuxWV 70 – Herr, wenn ich nur dich hab, BuxWV 38
Johann Sebastian Bach : Cantate «Auf Christi Himmelfahrt allein», BWV 128: «Sein Allmacht zu ergründen» – Cantate «Man singet mit Freuden von Sieg», BWV 149: «Seid wachsam, ihr heiligen Wächter» – Cantate «Christen, ätzet diesen Tag», BWV 63: «Ruft und fleht den Himmel an»
Johann Hermann Schein : Und ist ein Kind geboren
Johann Christoph Bach : Lamento «Ach, dass Wassers gnug hätte»

Salomé Haller (soprano)
La Chapelle Rhénane, Benoît Haller (ténor et direction)




Font baptismal de Sinfonia, l’abbaye de Chancelade accueille ses premiers concerts de l’édition 2016 sous le signe de symboles, au sein d’une journée qui s’attache à restituer l’humanité lumineuse sinon chaleureuse d’un baroque germanique parfois confit dans l’austérité. Le rendez-vous de l’après-midi offre à Benoît Haller et La Chapelle Rhénane de revenir auprès du public périgourdin – auquel ils avaient déjà rendu visite il y a huit ans – avec un programme construit autour d’un compositeur qu’ils affectionnent particulièrement, Schütz, mis en regard de Buxtehude et Bach. Plus dépouillé peut-être, le premier ouvre le spicilège avec un motet soutenu par la solennité du trombone – Ich weiss, das mein Erlöser lebt. Toujours à deux voix, Liebster, meine Seele saget de Buxtehude fait dialoguer les lignes vocales avec la flûte et le violon, quand le duo «Sein Allmacht zu ergründen» tiré de la Cantate BWV 128 répond avec l’irradiante spiritualité de Bach – que l’on retrouve dans celui («Seid wachsam, ihr heiligen Wächter») de la BWV 149 ou encore dans «Ruft und fleht den Himmel an» de la BWV 63 –, livré ici avec une sobriété intimiste et conviviale, qui caractérise la manière des interprètes au fil du recueil.


Si elle est moins colorée, plus lointaine peut-être pour certaines sensibilités, l’écriture de Schütz ne verse pas pour autant dans la monotonie: Erbarme dich mein, O Herre Gott réserve une longue introduction orchestrale avant de laisser la soprano, Salomé Haller, développer une intériorité recueillie, tandis que les deux Psaumes de David proposés en substitution du Dialogue de Selle affirment une maîtrise de l’écriture chorale, avant un brillant exemple de pastiche de Monteverdi, entre fanfare et madrigal, dans le motet SWV 356 extrait des Symphoniae Sacrae, ciselé par la diction remarquable que Benoît Haller confirme par ailleurs, avec sa partenaire, tout au long des pages du florilège, et que l’acoustique favorable de la nef n’altère aucunement. La variété de l’inspiration ne se dément pas davantage avec les quatre motets qui referment le concert. Si l’on peut encore mentionner Herr, wenn ich nur dich hab de Buxtehude ou Uns ist ein Kind geboren, aux parentés avec Schütz plus évidentes, on ne saurait oublier l’exceptionnel lamento Ach, das ich Wassers gnug hätte de Johann Christoph Bach, que Salomé Haller et les musiciens de La Chapelle Rhénane restituent sur le ton de la commensalité.


Johann Christoph Bach : Lamento «Ach, dass Wassers gnug hätte»
Dietrich Buxtehude : Membra Jesu Nostri: Ad pedes: «Ecce super montes», Ad genua: «Ad ubera portabimini», Ad manus: «Quid sunt plagae istae», Ad latus: «Surge amica mea», Ad pectus: «Sicut modo geniti infantes», Ad cor: «Vulnerasti faciem tuam», Ad faciem: «Illustra faciem tuam» – Cantate «Jesus meines Lebens Leben»

Rodrigo Ferreira (contre-ténor)
Ensemble Sagittarius, Michel Laplénie (direction)


C’est cette même pièce qui introduit la soirée, assurée par l’Ensemble Sagittarius et Michel Laplénie, lequel, en célébrant ses trente ans de carrière dans un festival entretenant avec lui un compagnonnage fidèle, en annonce aussi le terme avec un programme remarquablement conçu autour du Membra Jesu Nostri de Buxtehude – on appréciera la dramaturgie en abyme sous le signe du chiffre trois, de la succession des pièces à la structure des cantates du cycle. Avec un effectif également réduit, la formation aquitaine accompagne la puissance du lamento, dont Rodrigo Ferreira souligne les ressources dramatiques sans s’éloigner de la ferveur, avant de rejoindre les rangs du chœur pour le reste de concert.


En sept parties, tel un cheminement méditatif sur les plaies du Christ sur la croix, Membra Jesu Nostri invite l’auditeur à un voyage que d’aucuns qualifieraient de mystique, et que l’on pourrait donner sans entracte, surtout dans une lecture à la lumière généreuse, nullement septentrionale, qui rend admirablement perceptible l’architecture générale du recueil, et l’intensification progressive de l’expression. Cinq instrumentistes suffisent à faire rayonner la plénitude d’une inspiration, évidente par exemple dans la quatrième étape, Ad latus, qui révèle des parentés insoupçonnées avec le baroque versaillais – sur lequel, comme on le sait, Lully a versé un peu de son italianité natale. Par une réduction des pupitres, les cinquièmes et sixièmes stations, Ad pectus et Ad cor, plongent au cœur de la chair blessée, sans retenue ni ostentation excessives, avant de trouver en Ad faciem une conclusion rédemptrice confirmée par la cantate de la Résurrection, Jesus meines Lebens Leben. De la Passion à Pâques, Michel Laplénie et ses solistes rendent enfin justice au théâtre religieux de Buxtehude: les choix avisés de David Théodoridès, le directeur artistique, assurent plus que jamais la légitimité et la pérennité d’un festival cher, à juste titre, au cœur des mélomanes.



Gilles Charlassier

 

 

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