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La carpe et le lapin Salzburg Felsenreitschule 08/20/2016 - et 21, 23, 25, 27*, 29 août 2016 Leonard Bernstein : West Side Story Cecilia Bartoli (Maria, présent), Norman Reinhardt (Tony), Michelle Veintimilla (Maria, passé), Karen Olivo (Anita), George Akram (Bernardo), Dan Burton (Riff), JonScott Clark (Action), Michael Carolan (Arab), Josh Tye (Baby John), Sean Lopeman (Snowboy), Alastair Postlethwaite (Big Deal), Linus Henriksson (Diesel), Callum Aylott (GeeTar), Aston Newman Hannington (Mouthpiece), Austin Fagan (Tiger), Kirstie Skivington (Anybodys), Carrie Willis (Graziella), Jacquie Biggs (Velma), Lizzi Franklin (Minnie), Michelle Antrobus (Clarice), Nell Martin (Pauline), Hannah McDonagh (Debbie), Sorina Kiefer (Maxine), Anna Friederike Wolf (Donna), Meri Ahmaniemi (Tammy), Liam Marcellino (Chino), Nathan Graham (Pepe), Matt Jones (Indio), Lorenzo Soragni (Luis), Gregor Krammer (Anxious), Zak Nemorin (Nibbles), Fletcher Dobinson (Juano)
Salzburger Bachchor, Alois Glassner (préparation), Orquesta Sinfónica Simón Bolívar de Venezuela, Gustavo Dudamel (direction musicale)
Philip Wm. McKinley (mise en scène), Liam Steel (chorégraphie), George Tsypin (décors), Ann Hould-Ward (costumes), Patrick Woodroffe (lumières), Gerd Drücker (sonorisation), Matt Flint (assistant à la chorégraphie)
(© Salzburger Festspiele/Silvia Lelli)
Grâce à son immense talent, Cecilia Bartoli a le privilège d’avoir atteint un stade de notoriété et de reconnaissance qui lui permet de mener à bien tous les projets dont elle a envie, avec la certitude de remplir les salles. Elle pourrait par exemple choisir de chanter le bottin sur scène qu’on se précipiterait pour l’entendre. Ou décider d’interpréter Maria de West Side Story, comme elle vient de le faire à Salzbourg. La célèbre mezzo a voulu réaliser un rêve d’enfant en se glissant dans la peau de la jeune Portoricaine débarquée à New York avec sa famille.
Dans une production conçue spécialement pour elle au Festival de Pentecôte et reprise cet été, Cecilia Bartoli incarne une Maria beaucoup plus âgée, qui, en habit de deuil, se remémore avec nostalgie l’histoire d’amour qui a bouleversé sa vie des années plus tôt. Tous les autres personnages sont interprétés par de jeunes chanteurs-comédiens-danseurs qui évoluent sur scène sans pratiquement aucune interaction avec la diva, celle-ci suivant le drame à distance. Une doublure joue le rôle de Maria plus jeune. Mais c’est bien sûr Cecilia Bartoli qui chante, en regardant toujours le chef d’orchestre puisqu’elle n’est pas impliquée dans l’action scénique à proprement parler. Une situation particulièrement gênante dans les duos, où son partenaire, Tony en l’occurrence, chante en fixant, lui, la doublure de Maria qu’il serre dans ses bras. Au fil du spectacle, on a la désagréable impression que Cecilia Bartoli est un corps étranger et qu’à aucun moment la greffe ne prend, la distanciation ne convainquant guère. Vocalement aussi, c’est le mariage de la carpe et du lapin : la voix de la mezzo romaine est celle d’une chanteuse lyrique, travaillée, ample et lourde de vibrato. On notera que l’interprète de Tony, Norman Reinhardt, est, lui aussi, un « vrai » chanteur d’opéra, qui réussit pourtant parfaitement à faire oublier ses origines lyriques.
Cela dit, le spectacle vaut le détour. Pour l’énergie et la fougue qu’il dégage grâce à sa formidable équipe de jeunes interprètes aux talents multiples. Pour le décor spectaculaire de George Tsypin, mais aussi et surtout pour le chef Gustavo Dudamel, qui, à la tête de son Orchestre symphonique Simón Bolívar du Venezuela, sait marier avec brio les rythmes latinos au lyrisme mélodique de Bernstein. « Maria », « Tonight » ou encore « Somewhere » n’ont pas pris une ride. Et puis qu’on se rassure, Cecilia Bartoli ne chantera pas le bottin l’année prochaine à Salzbourg. On pourra l’entendre pour la toute première fois dans Ariodante de Haendel et La Donna del Lago de Rossini. Deux ouvrages qui, cette fois, devraient lui aller comme un gant.
Claudio Poloni
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