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Le lied au creux de la vague

Verbier
Eglise
07/28/2016 -  et 31 mars (London), 8 (Elmau), 10 (Girona), 14 (Nürnberg), 17 (Wismar), 23 (Wiesbaden), 27 (München), 31 (Salzbourg) juillet, 26 octobre (Tokyo) 2016
Franz Schubert : An den Mond in einer Herbstnacht, D. 614 – Hoffnung, D. 295 – Im Jänner 1817, D. 876 – Abschied, D. 475 – Herbst, D. 945 – Uber Wildemann, D. 884 – Der Wanderer, D. 649 – Der Wanderer an den Mond, D. 870 – Der Zwerg, D. 771 – Abendstern, D. 806 – Im Walde, D. 834 – Nach einem Gewitter, D. 561 – An die Nachtigall, D. 196 – Totengräber-Weise, D. 869 – Frülingsglaube, D. 686 – Nachtviolen, D. 752 – Abendlied für die Entfernte, D. 856 – Wehmut, D. 772 – Der Strom, D. 565 – Der Hirt, D. 490 – Lied eines Schiffers an die Dioskuren, D. 360 – Nachtgesang, D. 314 – Der Sänger am Felsen, D. 482
Christian Gerhaher (baryton), Gerold Huber (piano)




Christian Gerhaher et Gerold Huber ont donné en l’église de Verbier pas vraiment pleine (le concert était en concurrence avec celui d’András Schiff, chef et pianiste, aux Combins) le récital Schubert qu’ils ont enregistré pour Sony sous le titre «Nachtviolen» et qu’ils reproduisent dans de nombreux festivals cet été.


Les récitals de lieder se font de plus en plus rares, les jeunes chanteurs d’opéra étant de moins en moins enclins à partager leur activité lyrique avec cet exercice particulier qui demande un investissement important et touche aujourd’hui un auditoire de plus en plus marginal dans un paysage qui voit son public devenir peau de chagrin sans que l’on voie clairement une relève s’y dessiner. Même dans un festival comme celui de Verbier qui comporte une petite partie de public très connaisseur, un récital à 20 heures comportant vingt-quatre lieder de Schubert, pas parmi les plus populaires certes, ne remplissait qu’une demi-salle de petites dimensions.


La liste des chanteurs actuels qui s’y consacrent avec constance est assez courte. Deux vedettes que sont Jonas Kaufmann et Matthias Goerne (qui donnait ici quelques jours auparavant La Belle Maguelone de Brahms accompagné par Yuja Wang) et quelques satellites parmi lesquels le baryton bavarois Christian Gerhaher et le Danois Bo Skovus. On peut dire qu’hormis dans quelques festivals et capitales européennes, le lied allemand est dans le creux de la vague. Des années soixante-dix à la fin du siècle dernier, on pouvait en entendre partout et constamment par les grands barytons germaniques dominés par Dietrich Fischer-Dieskau, Hermann Prey et les émules qu’ils ont suscités, comme Thomas Hampson ou Thomas Quasthoff. Mais aussi par tous les types vocaux et bien nombreuses étaient les voix féminines (Elisabeth Schwarzkopf, Christa Ludwig, Brigitte Fassbaender, Margaret Price, Lucia Popp, Edita Gruberova, Julia Varady pour ne citer que quelques-unes parmi les plus grandes) qui partageaient leur activité entre opéra, oratorio et lied. Tous ces interprètes sont soit disparus, soit retraités et force est de constater que la relève est très maigre.



G. Huber, C. Gerhaher (© Nicolas Brodard)


Ce préambule pour souligner qu’une partie du public fervent de ce genre musical a eu les oreilles et l’imaginaire formés autant au concert pour les plus chanceux que par les enregistrements, par des interprètes superlatifs qui avaient toutes les qualités requises et indispensables pour bien chanter le lied allemand parmi lesquels la possibilité de chanter en messa di voce, une diction impeccable, une projection adaptée au type de salle dans lesquels ils se produisaient. Au-delà de ces qualités techniques, celles qui permettaient de communiquer au public ce qui fait l’essence de chacune de ces petites vignettes, miracles d’équilibre entre une poésie pas toujours de toute première qualité et une musique qui lui donne une seconde dimension, un talent de communication très particulier qui fait que même un public non germanophone dans le cas du lied allemand se sente soudain «intelligent» et en phase avec un texte qu’il ne comprend pas forcément dans ses détails. Le recours aux surtitres a aujourd’hui beaucoup changé cette donnée. On ajoute que la mission de l’accompagnateur, et là encore on pourrait en citer de très grands en regard des chanteurs mentionnés, n’est pas seulement de jouer la partie de piano mais aussi d’apporter un soutien dynamique au soliste, suggérer à sa voix des couleurs, et éventuellement pousser son interprétation dans des retranchements qu’il n’aurait pas imaginés.


Le public formé à cette école se serait-il contenté de la prestation de Christian Gerhaher et Gerold Huber, ce soir donné et dans le programme réunissant vingt-quatre lieder de Schubert, pas parmi les plus optimistes, beaucoup d’après les poètes Mayrhofer, Seidl et Rellstab? Si le pianiste a mis beaucoup d’énergie dans son rôle d’accompagnateur, le baryton nous a semblé très en retrait, d’une humeur très sombre et peu communicative, peu enclin à projeter sa voix, ni même à articuler d’une façon qui rende son allemand consonnal et intelligible. Certains objecteront qu’en chantant ainsi sans vraiment créer de contrastes entre les lieder ni au sein du même (à cet égard Der Zwerg, qui raconte une histoire tragique à plusieurs personnages, était débité recto tono), le baryton se veut un chanteur au débit naturel. Mais le lied allemand est tout sauf naturel. Il n’est qu’artifice, celui de pouvoir, grâce à tous les miracles dont la voix émise à moitié de sa capacité sonore est capable, grâce aux poids les plus divers que l’on peut mettre sur les mots, les silences, grâce à l’expression du visage et des yeux sans cependant sombrer dans l’expressionnisme, faire vivre pour l’auditeur concentré sur ce chant singulier un personnage, un paysage, un état d’âme, un objet... Le reste est affaire de goût comme l’a prouvé, il serait injuste de ne pas le signaler, le grand succès qu’a remporté Christian Gerhaher auprès du public ce soir-là.


Le site du festival de Verbier
Le site de Christian Gerhaher



Olivier Brunel

 

 

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