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Le quatuor à cordes revisité

Paris
Centre Pompidou (Grande Salle)
06/25/2016 -  
Remmy Canedo : Clusterfuck (création)
Rebecca Saunders : Fletch
Franck Bedrossian : Tracés d’ombres
Béla Bartók : Quatuor à cordes n° 4 en ut majeur, sz. 91

Quatuor Tana: Antoine Maisonhaute, Ivan Lebrun (violons), Maxime Désert (alto), Jeanne Maisonhaute (violoncelle)


R. Canedo


Premier ensemble européen converti au système Airturn de partition électronique, le Quatuor Tana se situe à la pointe de la modernité aussi bien en termes logistique que de répertoire. Si la tourne des pages n’est plus source de contrariété, les aléas du concerts réservent – heureusement – leur lot d’imprévus: pas moins de deux cordes cassées (!) lors de cette soirée ManiFeste qui montre différentes générations de compositeurs aux prises avec l’un des genres les plus intimidants de la musique occidentale.


Artiste à multiples facettes (compositeur, programmateur visuel et «performeur»), le Chilien Remmy Canedo (né en 1982) tire pleinement profit du potentiel démultiplicateur de l’électronique: aux quatre instrumentistes présents sur scène se greffe l’illusion d’un ensemble à cordes dont le matériau est directement issu des sons émis en direct par la lutherie traditionnelle. L’auditeur se trouve embarqué quinze minutes durant dans un voyage aux décors sans cesse mouvants. Davantage que le rapport au timbre, au geste ou au mouvement, c’est tout un rapport au temps – par le biais de la stratification des temporalités – auquel cette musique nous confronte.


Fletch (2012) se veut «une exploration furieuse et continue d’un type spécifique de geste physique et de fragment de son», nous dit dans le programme Rebecca Saunders (née en 1967). A l’instar de la pièce de Franck Bedrossian à suivre, on retiendra la manière de s’affranchir du poids de l’histoire tout en concurrençant l’électronique sur son terrain d’élection: la transformation du timbre, et les différents dégradés qu’elle implique. Chez l’Ecossaise, elle revêt l’allure d’une étude sur le glissando, où le rôle de l’archet, tel une flèche (fletch), agit comme un révélateur plastique du son. Cela va de pair avec une notation extrêmement précise du poids, du toucher, jusque dans les dynamiques les plus infimes, à l’image des superbes dernières mesures.


Tracés d’ombres (2007) de Franck Bedrossian (né en 1971) se présente comme un condensé d’énergie pure. Au langage intrinsèquement abrasif du courant saturationniste dont il est le représentant le plus significatif aux côtés de Raphaël Cendo, Bedrossian associe une découpe extrêmement lisible en trois mouvements contrastés. Un univers qui intègre à sa grammaire d’origine la transformation du son dans «une articulation de l’excès». On sait que cette esthétique supporte difficilement la durée et que la grande forme demeure son principal défi. Le Quatuor Tana, avec la densité d’un précipité chimique, en a donné une interprétation ébouriffante dont l’impact doit beaucoup à son final explosif.


La forme a beaucoup muri dans l’œuvre de Bartók. Celle dite «en arche», qui préside à maintes compositions de sa dernière manière, voit le jour pour la première fois dans le Quatrième Quatuor (1928) choisi pour clore la soirée. On retiendra le vertigineux pas de deux auquel s’est livré le Quatuor Tana entre rhapsodie et rigueur, articulation des modes de jeux et abandon dans la mélopée, tranchant des rythmes et velouté des arabesques, échappées individuelles (solo de violoncelle de Jeanne Maisonhaute dans le Non troppo lento) et discipline collective (l’Allegretto pizzicato sonnait telle une guitare à seize cordes). Des artistes à suivre de près.


Le site du Quatuor Tana



Jérémie Bigorie

 

 

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