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L’honnêteté et le travail

Vienna
Konzerthaus
06/20/2016 -  et 21 (Wien), 24 (Istanbul), 25 (Izmir) juin
Piotr Ilyitch Tchaïkovski: La Tempête, opus 18
Franz Liszt : Concerto pour piano n° 2, S.125
Antonín Dvorák : Symphonie n° 7, opus 70, B. 141

Alice Sara Ott (piano)
Wiener Symphoniker, Robert Trevino (direction)


R. Trevino (© Musacchio&Ianniello)


Programme homogène et interprètes antinomiques mais réunis par un travail de qualité – ce pourrait être la conclusion d’un concert captivant, mais qui curieusement laisse aussi un petit goût d’inachevé. La Tempête de Tchaïkovski, fantaisie symphonique d’après Shakespeare, est rarement jouée: ce n’est certainement pas un chef-d’œuvre intellectuel, mais plutôt la musique pleinement sensorielle d’un compositeur qui cherche encore ses marques, et qu’il serait malhonnête de ne pas apprécier pour ce qu’elle est. Robert Trevino, en remplaçant de Pablo Heras-Casado (qui devint papa le jour suivant, d’après son flux Twitter), y déploie de gros moyens techniques pour révéler la richesse des timbres des Wiener Symphoniker: tapis de de cordes frémissants, océans infinis d’archets scotchés à la corde, chatoiement des vents en combinaisons variées. On apprécie une certaine retenue expressive – le contraire serait malvenu dans une musique déjà quelque peu démonstrative – domptée par une stabilité de tempo à toute épreuve. On est très loin au fond d’un style russe, et le son n’est pas non plus typique de la formation viennoise – on pourrait se croire en face d’une grosse et rutilante machine outre-Atlantique.


Le Second Concerto de Liszt s’avérera le théâtre d’une opposition de styles: alors que le chef continue à déployer sa palette riche et puissante, le piano d’Alice Sara Ott explore à merveille les tons délicats et cristallins de la partition. Cet antagonisme se révèlerait plus convaincant avec un meilleur équilibre entre soliste et orchestre; le piano disparaissant souvent sous le poids de l’orchestre pour ressurgir miraculeusement lors des dialogues avec les solistes de l’orchestre. C’est dommage car il semble y avoir une foule de détails à découvrir, et la jeune Allemande nous laisse deviner une personnalité singulière, pudique et foncièrement honnête: son bis (Scènes d’enfants de Schumann), joué avec dépouillement et abnégation, nous donne tout juste le temps d’entrer dans un univers qui semble la toucher autant que la brillance de Liszt.


La seconde partie permettait d’entendre la Septième Symphonie de Dvorák, ce chef-d’œuvre symphonique trop peu souvent présent dans les programmes des concerts: attaquée avec une intensité orageuse, nous retrouvons rapidement ce sentiment de travail en profondeur. Robert Trevino construit ses phrasés patiemment, avec méthode, laissant semble-t-il peu de place à l’improvisation dans son approche: les pivots de la partition sont aménagés avec précision autour de quelques notes-clefs, le tempo est conçu comme une base rigoureuse, les tenues sont exécutées avec exactitude. L’œuvre du compositeur éclot ainsi en toute simplicité, comme débarrassée de ses scories. Le deuxième mouvement, pris avec une lenteur calculée, est irrigué par la sève des cordes basses de l’orchestre. Les deux derniers mouvements, aux emprunts plus folkloriques, continuent sur cette lancée, laissant toutefois apparaître des flottements momentanés qui sont peut-être à mettre sur le compte de la fatigue accumulée. Lecture assez monolithique, mais de toute beauté, qui récompense l’attention des musiciens aux fondamentaux d’une partition symphonique.



Dimitri Finker

 

 

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