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Art pauvre, mais soirée riche

Paris
Philharmonie 2
06/10/2016 -  
Aureliano Cattaneo : Corda (création)
Brian Ferneyhough : Inconjunctions
Beat Furrer : linea dell’ozizzonte
Yan Maresz : Tutti

Sébastien Vichard (piano)
Ensemble intercontemporain, Matthias Pintscher (direction)


A. Cattaneo


Choisi comme thématique du festival ManiFeste 2016, l’Arte povera («Art pauvre») colle plutôt bien à Tutti (2013) pour ensemble et dispositif électronique de Yan Maresz (né en 1966), œuvre ambitieuse de quelque vingt-cinq minutes qui refermait la soirée. «Dispositif électronique et ensemble» – dans cet ordre – serait plus justifié, si l’on en croit la volonté du compositeur: «Ici, j’ai volontairement restreint l’écriture instrumentale de détail: aucun mode de jeu, aucune fioriture, rien du discours rhétorique instrumental habituel». Si, dans Répliques donné en création mondiale le 4 juin dernier, la partie électronique revêtait un rôle cosmétique, elle se taille dans Tutti la part du lion. Le début montre les musiciens enfermés dans des formules répétitives et minimalistes – bien que sans aucune attache tonale – tandis que l’électronique, remarquablement spatialisée, fait ici une entrée fracassante, s’immisce ailleurs discrètement de façon à ménager les transitoires. A l’instar du Boulez de Répons, Maresz revendique la configuration du concerto grosso baroque, mais la section centrale aurait pu exploiter davantage ses potentialités.


A l’autre extrémité du concert, Corda d’Aureliano Cattaneo (né en 1974) utilise l’informatique dans le but de détourner le piano et d’augmenter ses virtualités latentes par le biais de «six transducteurs fixés sur la table d’harmonie et de capteurs MIDI sur les touches du clavier». A partir d’un do central, c’est à une sorte de tour de prestidigitateur auquel nous convie l’Italien, mettant à profit des effets de «trompe-l’oreille»: instrument désaccordé, attaque du son soustraite, jeux sur les harmoniques... Pour virtuose qu’elle soit, la partie de piano nous a semblé faire un usage consommé de gestes assez stéréotypés (gammes, toccatas, notes répétées...) qui ne vont jamais contre l’instrument. Sébastien Vichard s’est plié sans coup férir aux désidératas du compositeur. Face à un public plongé dans une totale obscurité, sa performance tenait presque du sacré, de la révélation.


Au milieu de ce concert remarquablement équilibré, deux œuvres pour ensemble, signées Brian Ferneyhough (né en 1943) et Beat Furrer (né en 1954): proposé ici en première française, Inconjunctions (2014) bénéficie d’un enregistrement publié par Neos dans le coffret «Donaueschinger Musiktage 2014». Il est surprenant de voir Ferneyhough, réputé pour sa prose musicale surnourrie, solliciter le souvenir d’un rêve dans cette pièce segmentée en quatre parties. D’autant que la direction souple, à la limite du chaloupé du génial Matthias Pintscher, accentuait cet aspect trouble. Vingt instrumentistes, mais qui sont autant de solistes dans cette écriture mettant en valeur tour à tour un pupitre choisi: aux deux piccolos du début répondent les strates superposées de la fin, avec un envoûtant dialogue des cuivres et des percussions en guise de mouvement lent.


On connaît mal en France le compositeur suisse Beat Furrer (né en 1954), créateur de l’ensemble Klangforum Wien, l’équivalent viennois du London Sinfonietta de Londres, de l’Ensemble Modern de Francfort et de notre Ensemble intercontemporain. linea dell’orizzonte, pour huit musiciens, joue sur les «effets d’ombre et de distorsion». On y perçoit des glissandos de guitare électrique, des phénomènes de saturation du son et même des traits (notamment à la clarinette basse) qui semblent sortis du Concerto de chambre de Ligeti, avec sa mécanique d’horlogerie déréglée. Une pièce assez théâtrale en somme, à l’image de la gestuelle du chef, fortement mise à contribution par une métrique très instable.



Jérémie Bigorie

 

 

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