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Mélisande sur le divan

Zurich
Opernhaus
05/08/2016 -  et 11, 14, 19, 21, 25, 27, 29* mai 2016
Claude Debussy : Pelléas et Mélisande
Brindley Sherratt (Arkel), Jacques Imbrailo (Pelléas), Kyle Ketelsen (Golaud), Damien Göritz/Elias Mädler* (Yniold), Charles Dekeyser (Un Médecin), Corinne Winters (Mélisande), Yvonne Naef (Geneviève), Reinhard Mayr (Le Père de Pelléas)
Zusatzchor der Oper Zürich, Jürg Hämmerli (préparation), Philharmonia Zürich, Alain Altinoglu (direction musicale)
Dmitri Tcherniakov (mise en scène et décors), Elena Zaytseva (costumes), Gleb Filshtinsky (lumières), Tieni Burkhalter (vidéo), Beate Breidenbach (dramaturgie)


(© Toni Suter T + T Fotografie)


Froidement clinique. Pour la nouvelle production zurichoise de Pelléas et Mélisande, le metteur en scène Dmitri Tcherniakov a ostensiblement tourné le dos à l’univers impressionniste de Debussy et de son librettiste Maeterlinck, avec sa forêt, sa fontaine, sa grotte, ses animaux et son château, pour transposer l’action dans le huis-clos étouffant d’une maison moderne aux lignes épurées, habitée par une famille de psychiatres et d’analystes. Un univers froid et rationnel, où les sentiments n’ont pas de place. Golaud ramène à la maison Mélisande, une jeune fille apeurée et complètement déboussolée, victime d’un traumatisme qu’on imagine violent et profond. Il l’installe ensuite sur un divan et commence son travail de psychanalyse. Mélisande ne trouve pas son bonheur dans ce lieu aseptisé, jusqu’à ce qu’elle fasse la connaissance de Pelléas, un être hypersensible comme elle, totalement différent des autres membres de la famille. Une famille dysfonctionnelle au plus haut point d’ailleurs, puisque Golaud use de violence sur son fils Yniold, avant d’en faire de même sur Mélisande, et on peut imaginer que cette violence n’est que la reproduction de ce qui a sûrement été perpétré auparavant par les parents et les grands-parents. Un psychothérapeute qui devient psychopathe, voilà comment pourrait se résumer le spectacle conçu par Dmitri Tcherniakov. Un spectacle qui dérange et fait froid dans le dos certes, mais particulièrement prenant et convaincant. Comme on peut l’imaginer, le public de la première a été très largement divisé. Il n’en a pas été autrement le soir de la dernière, où le metteur en scène est venu saluer, récoltant de chaleureux applaudissements, mais aussi des huées sonores.


Dans la fosse, Alain Altinoglu a rendu à merveille les couleurs et les nuances impressionnistes de l’œuvre, ciselant la partition de Debussy avec beaucoup de délicatesse et de finesse, faisant entendre les moindres détails sans pour autant négliger l’aspect énigmatique et parfois noir, voire menaçant de l’ouvrage. La distribution très homogène réunie sur le plateau de l’Opernhaus s’est distinguée par son engagement scénique et sa bonne prononciation française. On retiendra notamment la spontanéité et la fraîcheur vocale des deux interprètes des rôles-titres, le baryton sud-africain Jacques Imbrailo et la soprano américaine Corinne Winters, très bien assortis, ainsi que le Golaud particulièrement inquiétant et agressif de Kyle Ketelsen, au timbre sombre et sonore. On n’oubliera pas non plus la Geneviève drapée dans le silence et la dignité d’Yvonne Naef ainsi que l’Arkel de Brindley Sherratt, qui assiste impuissant à la lente descente aux enfers de sa famille.



Claudio Poloni

 

 

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