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Chemins de traverse

Baden-Baden
Festspielhaus
05/17/2016 -  
Johann Sebastian Bach : Concerto pour deux violons, BWV 1043
Béla Bartók : Divertimento pour cordes, sz. 113
Bechara El-Khoury : Unfinished Journey, opus 77
Philip Glass : Echorus
Arvo Pärt : Darf ich...
Felix Mendelssohn-Bartholdy : Concerto pour violon n° 1

Daniel Hope (violon)
Basler Kammerorchester, Anders Kjellberg Nilsson (violon et direction)


(© manolo press)


Daniel Hope est un artiste curieux, relativement difficile à classer aujourd’hui. Un archet sûr, des qualités évidentes de virtuose au sens le plus classique du terme, et en même temps une curiosité constante pour autre chose, qui se manifeste par des choix de répertoire volontiers insolites voire des options d’interprétations particulières. Dans cette même voie, Daniel Hope nous fait penser aux expérimentations d’un Gidon Kremer, influence assurément plus respectable que les dérives d’un David Garrett ou d’un Nigel Kennedy, dont pourtant Hope s’approche dangereusement parfois mais en gardant toujours une petite dose résiduelle de réserve et de bon goût qui rend ces embardées encore fréquentables. On pense par exemple à quelques disques DG vraiment curieux : Les Quatre Saisons de Vivaldi « remixées » par Max Richter, parfois étonnantes de vitalité (voir ici), où encore le récital « Sphères », où le sirop post-moderne coule à flots mais sans jamais déborder tout à fait jusqu’au rédhibitoire. En tout cas un tempérament toujours intéressant.


La vie de Daniel Hope a longuement croisé, très jeune, celle de Yehudi Menuhin, un peu comme la vie du vieux maître avait croisé en son temps de prime jeunesse, celle de Georges Enesco. Un rapport de filiation artistique doublé d’un véritable attachement affectif, que Daniel Hope fait tendrement passer au cours de ce concert d’hommage à Yehudi Menuhin, qui fêterait ses cent ans cette année. La seconde partie du concert est d’ailleurs précédée d’un petit discours où Hope raconte brièvement, dans un allemand parfait, quelques anecdotes sur Menuhin et présente les œuvres les moins connues du programme, toutes en rapport avec le maître disparu. Soit que ce dernier les ait beaucoup jouées ou dirigées, ou encore qu’elles aient été commandées à des compositeurs contemporains par lui, ou par Daniel Hope en guise d’hommage.


Cela dit, dès le Concerto pour deux violons de Bach, on comprend vite que si l’hommage est sincère il n’est en rien ni timide ni servile, et qu’en matière d’interprétation du répertoire baroque, Hope a radicalement tourné la page. En duo, ou plutôt en émulation avec Anders Kjellberg Nilsson, actuel leader de l’Orchestre de chambre de Bâle, il se livre à des assauts de frénésie et d’accents violents vraiment bien peu classiques. Des effets de rentre-dedans qui ne dépareraient pas, somme toute, un concert de jazz vaguement folk. Et la même sensation se retrouve pour les deux mouvements extraits du Concerto pour deux violons RV 522 de Vivaldi donnés en bis à la fin du programme : du baroque à l’arraché ! Mais Hope sait aussi de temps à autre redresser le cap, imposer une expressivité plus vibrée voire des gestes plus conventionnels qui reviennent utilement colorer le tableau. On marche ou on ne marche pas. En tout cas, avouons ici ne pas toujours trouver la sérénité d’écoute qu’il nous faudrait pour apprécier pleinement ces concertos.


Une jolie découverte à l’autre bout du programme : le Concerto pour violon de Mendelssohn, mais pas le « grand », en mi mineur, puisqu’il s’agit là d’une œuvre de jeunesse en mineur, assez développée déjà, écrite par un musicien de douze ans, partition-trouvaille exhumée en son temps par Yehudi Menuhin. Rien de fondamentalement original dans une écriture qui reste encore scolaire et prévisible, mais beaucoup de charme en particulier dans le deuxième mouvement, souplement mélodique et de belle facture. Pour la circonstance, l’archet de Daniel Hope s’assagit, les phrasés redeviennent plus généreux, encore que quelques respirations moins resserrées ne nuiraient pas dans les mouvements rapides.


Le plus intéressant, finalement, de la soirée : trois courtes œuvres contemporaines autour de la personnalité de Yehudi Menuhin. Chaque compositeur sollicité s’est laissé somme toute influencer par la personnalité du dédicataire, tout en gardant ses propres marques de fabrique, avec à la clé une beauté sonore et un lyrisme appréciables. que ce soit pour Echorus de Phil Glass, cocktail motorique teinté d’un rien de tendresse, pour Darf ich... d’Arvo Pärt, brévissime, avec l’indispensable tintement de cloche en guise de signature mais aussi une sensation prégnante de mystère, ou encore le somptueusement mélodique Unfinished Journey de Bechara El-Khoury.


Belle prestation de l’Orchestre de chambre de Bâle, formation rompue à de multiples changements de répertoire, du contemporain à l’historiquement informé, qui brille dans un Divertimento de Bartók bien coordonné. Ce n’est pas toujours parfait, avec un rien de raideur lié à l’absence de chef, même si Anders Kjellberg Nilsson reste vigilant et par ailleurs tout le monde, musiciens pour la plupart debout et aux aguets, veille aux équilibres essentiels.


En bis, Daniel Hope ne peut s’empêcher de rajouter encore un peu de Vivaldi tripatouillé à la sauce répétitive par Max Richter. La défonce collective devient totale, les crins de déchirent au point de former des panaches virevoltants dans le sillage des archets, ma voisine, dame sexagénaire jusqu’ici d’allure on ne peut plus rangée, opine vigoureusement du chef et tape irrésistiblement du pied en cadence... On peut toujours discuter ou ergoter, mais indiscutablement il se passe ici quelque chose de particulier. Phénoménal, dans un certain sens !



Laurent Barthel

 

 

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