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Schumann et Reimann : affinités électives Paris Palais Garnier 04/24/2016 - Robert Schumann : Phantasiestücke, opus 73 – Quintette avec piano, opus 44
Aribert Reimann : Aria pour violoncelle et piano – Adagio zum Gedenken an R. Schumann Frédéric Laroque, Vanessa Jean (violon), Fanny Baradeau (alto), Aurélien Sabouret (violoncelle), Ryoko Hisayama (piano)
Il n’y a pas de miracles : si l’Orchestre de l’Opéra se situe au plus haut, c’est que ses musiciens sont des solistes. Autant dire qu’il faut suivre les midis musicaux de Garnier, qui, comme les concerts de musique de chambre, accompagnent en une heure certaines grandes productions. Le dernier, ainsi, associait à deux œuvres de Schumann bien connues deux brèves pages d’Aribert Reimann, dont on attend le Lear avec impatience.
Les Phantasiestücke pour violoncelle et piano flattent la sonorité à la fois généreuse et concentrée d’Aurélien Sabouret, qui, comme le piano de Ryoko Hisayama, libère l’imaginaire schumannien, avec une première pièce toute en intériorité rêveuse. Ils jouent l’Aria pour violoncelle et piano de Reimann, composée en 1962, dans le même esprit. Pas de hiatus entre les deux partitions, les quelques mesures de l’une semblant prolonger l’autre à plus d’un siècle de distance.
Vient ensuite l’Adagio pour quatuor à cordes, hommage, justement, à Schumann : en 2006, Reimann avait 70 ans, Schumann était mort depuis 150 ans. Un « tombeau », en quelque sorte, où passe l’ombre du disparu à travers deux petites pièces pour piano composées à l’asile. On appréciera bientôt la modernité de Lear, mais Reimann s’inscrit aussi dans une continuité, celle de l’histoire de la musique allemande. Ce n’est d’ailleurs pas la seule œuvre où il se réfère à son aîné, qu’il joue volontiers comme pianiste pour accompagner des Lieder : les Sept fragments pour orchestre in memoriam Robert Schumann convoquaient, en 1988, les Geistervariationen ; sept ans plus tard, il arrangeait pour soprano et quatuor à cordes les Gesänge op. 107. Frédéric Laroque, violon solo des Gurre-Lieder de Schönberg quelques jours avant, Vanessa Jean, Fanny Baradeau et Aurélien Sabouret montrent dans cet Adagio une cohérence digne d’un quatuor constitué.
Le Quinette de Schumann ne peut donc que séduire. Avec une Ryoko Hisayama à l’unisson, ils en donnent une interprétation fidèle à l’esprit de l’œuvre, soucieuse donc de la balance entre le jaillissement de l’inspiration et l’accomplissement de la forme, de l’équilibre entre le piano et les cordes aussi. Euphorie tempérée des mouvements extrêmes, mystère crépusculaire de l’Un poco largamente, vivacité conquérante du Scherzo : de la vraie musique de chambre, comme on l’aime.
Didier van Moere
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