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Echelle 1:1 Liège Opéra royal de Wallonie 03/11/2016 - et 13*, 15, 17, 19 mars 2016 Gioachino Rossini: La scala di seta Maria Mudryak (Giulia), Ioan Hotea (Dorvil), Filippo Fontana (Germano), Federico Buttazzo (Dormont), Laurent Kubla (Blansac), Julie Bailly (Lucilla)
Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Christopher Franklin (direction)
Damiano Michieletto (mise en scène), Silvia Paoli (reprise de la mise en scène), Paolo Fantin (décors, costumes), Alessandro Carletti (lumières)
(© Lorraine Wauters/Opéra royal de Wallonie)
Durant l’Ouverture, des déménageurs posent le contenu d’un appartement contemporain sur le plan tracé sur le sol et livrent les personnages sur des chariots. Un miroir reflète le plateau pour le montrer de haut, les chanteurs se déplacent comme si les murs et les portes existaient réellement. Silvia Paoli reprend à l’Opéra royal de Wallonie la réjouissante mise en scène que Damiano Michieletto a imaginée pour Pesaro en 2009. Le concept respecte l’esprit de cette farce en un acte et fonctionne à merveille. Drôle et enlevé, le spectacle tient ses promesses et suscite l’enthousiasme grâce à sa finesse et à sa virtuosité. L’interrompre au milieu ne s’impose pas mais le public liégeois tient de toute évidence à son entracte.
Rossini ne ménage pas les voix. Aussi irrésistible en training qu’en robe et en nuisette, Maria Mudryak, qui aura bientôt vingt-deux ans, incarne une Giulia au charme capiteux, pleine de fraîcheur et de peps. La soprano possède de nombreux atouts : gâtée par la nature et très présente, au point de focaliser l’attention au détriment de ses partenaires, elle possède un timbre séduisant, une tessiture homogène et une technique sûre. Impeccable d’agilité et de netteté dans la vocalisation, la jeune femme développe un chant au style parfait. Il faut retenir le nom de cette chanteuse, une future grande, assurément, si elle poursuit son cheminement artistique avec prudence.
Dans L’Echelle de soie (1812), le ténor n’a pas souvent l’occasion de briller mais le rôle de Dorvil suffit à Ioan Hotea pour révéler un timbre éclatant et monter sans peine dans les aigus. Malgré son implication, Filippo Fontana – remplaçant Enrico Marabelli, souffrant – n’a pas toute la vis comica requise pour Germano, personnage central, ici vêtu à l’extrême-orientale. Le baryton se positionne, par conséquent, en retrait alors qu’il apparait en permanence, comme Giulia ; son chant demeure plat, manque de flamme, même s’il veille aux canons du chant rossinien.
Régulièrement à l’affiche de ce théâtre, Laurent Kubla aborde chaque rôle avec application mais il n’a pas encore cette grâce qui distingue les bons des grands chanteurs. Convaincant en Blansac hâbleur et prétentieux, le baryton belge chante avec maitrise, dans un style adéquat, avec un sens certain du cantabile. Comédienne adroite et chanteuse exercée, Julie Bailly, qui joue plaisamment de son physique, campe une Lucilla extravertie, vieille fille sur les bords : le numéro d’effeuillage, partiel, devant un Blansac médusé constitue un délicieux moment. Federico Buttazzo, quant à lui, se tire d’affaire en Dormont mais il ne parvient pas à se démarquer par le chant, probe, ou l’incarnation, sommaire – pour sa défense, il a peu à accomplir dans ce rôle.
Le compositeur n’épargne pas non plus l’orchestre mais ce dernier se surpasse sous la direction de Christopher Franklin, évidente par les tempi, le rythme, la dynamique. Les cordes se révèlent légères et soyeuses, les bois d’un fruité et d’une finesse irréprochables, la mise en place restant précise, même dans les moments d’agitation – c’est ainsi que cette musique doit pétiller. L’Opéra royal de Wallonie peut réitérer sa confiance au chef américain, qui dirigera l’orchestre le lendemain de la dernière représentation, le 20 mars, dans un récital d’Olga Peretyatko, qui, justement, a incarné Giulia dans cette production de Pesaro. Au clavecin, Sylvain Bousquet soutient les récitatifs avec délectation et réalise d’amusants effets sonores – la sonnette de l’appartement, par exemple. Même dans ses œuvres de jeunesse et de moindre envergure, Rossini fait preuve, décidément, d’un instinct musical et théâtral extraordinaire.
Sébastien Foucart
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