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Un orchestre héroïque

Paris
Philharmonie 1
02/05/2016 -  et 3 (Luxembourg), 6 (Bruxelles) février 2016
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 5 en mi bémol majeur, opus 73 «L’Empereur»
Richard Strauss : Ein Heldenleben, opus 40

Nelson Freire (piano)
Koninklijk Concertgebouworkest, Semyon Bychkov (direction)


S. Bychkov (© Chris Christodoulou)


La venue à la Philharmonie de Paris de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam est toujours un événement. On a ainsi encore dans l’oreille les fabuleux concerts dirigés par Mariss Jansons et Andris Nelsons la saison dernière. Ce nouveau concert parisien, avec cette fois Semyon Bychkov, directeur musical de l’Orchestre de Paris de 1989 à 1998, s’inscrivait dans une tournée européenne qui après Barcelone, Madrid, Luxembourg et Frankfort, se terminera à Bruxelles.


Pour ce concert, comme il y a quelques jours à Luxembourg, Nelson Freire était au clavier. Et le moins que l’on puisse dire est que la musique est bien au rendez-vous! Nelson Freire dès l’entrée fracassante du concerto, le couvercle de l’instrument tourné vers le parterre, prend véritablement la parole et l’ascendant sur l’orchestre. Il ne les lâchera plus, laissant il faut bien le dire un peu de coté Semyon Bychkov, semblant comme dépassé par tant d’énergie et de lyrisme. Pourtant l’Orchestre du Concertgebouw sonne comme à son habitude magnifiquement, même si quelques petits accrochages un peu étonnants témoignent sans doute plus d’une différence de conception entre Nelson Freire et Semyon Bychkov que d’un manque de préparation. L’Adagio, malgré une belle introduction orchestrale et le piano poétique et suspendu du pianiste brésilien, n’emporte pas non plus la conviction. Et pourtant les magnifiques interventions de la petite harmonie sont précises et d’une justesse infaillible. Le final semble plus abouti dégageant une belle énergie mais sans doute est-ce trop tard; et les rebonds mis par Beethoven dans cette musique n’invitent pas assez à la jubilation. En quelque sorte, un rendez-vous entre deux grands interprètes mais qui n’a pas fonctionné. En bis, Nelson Freire offre à un public manifestement séduit par son jeu, le célèbre arrangement par Giovanni Sgambati de la plainte d’Orphée d’Orphée et Eurydice de Gluck. En quelques minutes, il achève de nous convaincre que le poète ce soir c’est bien lui!


Le constat sera finalement assez proche durant la seconde partie du concert dédiée à ce monument autobiographique qu’est Une vie de héros de Richard Strauss. Orchestre impressionnant (huit cors, cinq trompettes, cinq percussionnistes) pour une musique luxuriante, sorte de puzzle, voire de collage, jouant sans cesse des excès, des contrastes, de la démonstration et de la surenchère. L’interprétation est orchestralement parfaite au plus haut niveau mais ici aussi la direction de Semyon Bychkov, pourtant précise, peine à convaincre. Les épisodes successifs, depuis le premier («Le Héros») jusqu’au dernier («Renonciation»), constituent pour un orchestre symphonique autant de morceaux de bravoure. Magnifiquement réalisés, ils leur manque toutefois passion, frénésie et déchaînements qui seuls peuvent rendre cette musique, un peu folle, indispensable. Durant l’acrobatique passage dédié au violon solo («La Compagne du héros »), Vesko Eschkenazy démontre de magnifiques qualités d’interprète véritablement inspiré. Les autocitations de Strauss dans la section «Les Œuvres de paix du héros», pleine d’un lyrisme exacerbé à la limite de l’exagération, ne parviennent pas non plus à intéresser.


Car durant ce magistral torrent de musique l’on s’ennuie le plus souvent et l’on en vient à regretter l’extraordinaire interprétation donnée en début de saison par un Riccardo Chailly dirigeant avec gourmandise l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Malgré ces réserves, mentionnons plusieurs instrumentistes hors du commun: l’extraordinaire hautboïste Alexei Ogrintchouk, dont chaque intervention est musique, le premier cor Félix Dervaux, capable de nuances inouïes et dont le souffle semble inépuisable, Miriam Pastor Burgos, poétesse du cor anglais, le bassoniste Gustavo Núnez, au son charnu et précis, et tous les cuivres d’une précision chirurgicale, notamment les trompettes dans leur passage hors scène («Le Combat du héros»).


La toute fin de l’œuvre («Renonciation») a su dégager, mais ici aussi sans doute trop tard, une vraie poésie. Et entendre les accords finaux avec une telle précision d’intonation, qui plus est dans un magnifique decrescendo, est un plaisir rare qui démontre le niveau exceptionnel de cet orchestre, qui possède sans doute la plus belle harmonie du monde. Malgré cette perfection technique, ce rendez-vous artistique fut en partie raté, non pour les amateurs de belles machines orchestrales, pleinement servis, mais pour ceux qui attendent d’un concert symphonique, non seulement une somptuosité sonore, mais aussi passion et émotion.



Gilles Lesur

 

 

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