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Le charme opère encore

Paris
Palais Garnier
01/19/2016 -  et 22*, 25, 27, 31 janvier, 3, 6, 10, 14 février 2016
Richard Strauss : Capriccio, opus 85
Emily Magee (Die Gräfin), Wolfgang Koch (Der Graf), Benjamin Bernheim (Flamand), Lauri Vasar (Olivier), Lars Woldt (La Roche), Michaela Schuster (Die Schauspielerin Clairon), Chiara Skerath (Eine italienische Sängerin), Juan José De León (Ein italienischer Tenor), Graham Clark (Monsieur Taupe), Jérôme Varnier (Der Haushofmeister), Ook Chung, Julien Joguet, Vincent Delhoume, Chae Wook Lim, Vincent Morell, Christian Rodrigue Moungoungou, Hyun-Jong Roh, Slawomir Szychowiak (Acht Diener)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Ingo Metzmacher (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène, lumières), Michael Levine (décors), Anthony Powell (costumes), Peter Van Praet (lumières), Ian Burton (dramaturgie), Jean-Guillaume Bart (chorégraphie)


(© Vincent Pontet/Opéra national de Paris)


Souvenons-nous. C’était en 2004, la dernière production d’Hugues Gall. Ses rapports avec la critique avaient été tumultueux : il la mit à genoux et partit en beauté. Ses adieux à l’Opéra croisaient ceux de Strauss à l’opéra, à travers ce Capriccio dont le vieux compositeur, replié sur lui-même au milieu de la barbarie, interrogeait les fondements. Ces croisements, Robert Carsen les traitait en virtuose, multipliant ces jeux de miroirs où il excelle, exaltant l’artifice pour le métamorphoser en naturel – n’est-ce pas là, d’ailleurs, l’essence de l’opéra ? Entre le dix-huitième siècle et l’Occupation, avec la Clairon accompagnée d’un officier allemand, entre la salle et la scène, la scène et les coulisses, l’opéra, son origine et sa représentation, le Canadien créait un univers à plusieurs dimensions, semblant improviser un spectacle qu’il avait en réalité rigoureusement conçu autour d’un lieu unique : le Palais Garnier, ses ors et ses lustres. Une de ses plus belles productions, dont le charme opère encore après deux reprises (voir ici et ici), par sa magie visuelle, par la finesse de sa direction d’acteurs, comme s’il avait capté le secret de cette « conversation en musique ». Et l’on emporte toujours, chaque fois, l’image de la scène finale : dans sa superbe robe bleue, la Comtesse s’avance vers le Foyer de la danse avant de disparaître dans les coulisses, chanteuse et non plus personnage.


Le spectacle tenait beaucoup, aussi, à la présence de Renée Fleming. Fort bonne chanteuse malgré un timbre strident et une émission souvent trop tendue, notamment dans une scène finale où l’on cherche en vain le zart des dernières mesures, Emily Magee manque malheureusement de grâce, Comtesse assez roturière qui peine à ressusciter le recitar cantando revisité par Strauss. De son côté, Michaela Schuster, qui remplace Daniela Sindram, n’a ni grave ni classe en Clairon. La magie du spectacle n’est pas rompue pour autant, grâce au reste de la distribution et à la direction d’orchestre. Benjamin Bernheim, très remarqué dans un Fierrabras salzbourgeois il y a deux ans, incarne un Flamand rayonnant de jeunesse et d’amour, aigu aisé et ligne galbée, beaucoup plus présent que l’Olivier stylé de Lauri Vasar. Wolfgang Koch oublie ses Wotan pour devenir un Comte raffiné et patricien, alors que Lars Woldt brûle les planches en La Roche, à la fois gueule et voix, haut en couleur mais jamais grotesque, vocalement châtié surtout. Excellents rôles secondaires : Italiens adéquats de Chiara Skerath et Juan José De León, parfait Majordome, tiré à quatre épingles, de Jérôme Varnier, impayable Monsieur Taupe, évidemment aux faux airs de Mime, de Graham Clark.


On aurait plutôt associé le remarquable Ingo Metzmacher à Salomé ou Elektra. On se trompait : si la lecture très analytique de Capriccio en émousse un peu la sensualité, elle ne pèche jamais par la sécheresse – sinon au moment du grisant Clair de lune. Elle fait surtout vivre et avancer la « Conversation », sans poser ni peser, sans jamais la fragmenter non plus, trouvant naturellement l’équilibre entre les délicatesses du pastiche et les grandes vagues de l’orchestre straussien.



Didier van Moere

 

 

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