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Ter repetita...

Paris
Opéra Bastille
01/20/2016 -  et 23, 26, 29 janvier, 1er, 4 février 2016
Jules Massenet : Werther
Piotr Beczala (Werther), Stéphane Degout (Albert), Paul Gay (le Bailli), Andreas Jäggi (Schmidt), Lionel Lhote (Johann), Elīna Garanca (Charlotte), Elena Tsallagova (Sophie), Piotr Kumon (Brühlmann), Pauline Texier (Kätchen), Rodolphe Briand (Schmidt),
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Giacomo Sagripanti (direction)
Benoît Jacquot (mise en scène), Charles Edwards (décors), Christian Gasc (costumes), André Diot (lumières)


P. Beczala, E. Garanca (© Emilie Brouchon/Opéra national de Paris)


Allait-on se lasser de ce Werther, inauguré en 2010 par Jonas Kaufmann et Michel Plasson ? On le craignait, on avait tort. Le classicisme littéral et épuré de Benoît Jacquot, la finesse de sa direction d’acteurs, toujours au plus près des âmes et des corps, font encore mouche, grâce aussi à la subtilité des éclairages. C’est le drame psychologique qui intéresse le cinéaste, pas un quelconque concept – il n’en a pas non plus une lecture à la fois psychanalytique et sociale comme Willy Decker jadis à Amsterdam. Ancrée dans le romantisme allemand plus que dans la fin de siècle français, sa production semblait faite pour le Werther de Jonas Kaufmann. Deux ans plus tard, Roberto Alagna, pourtant si différent, ne la déparait pas.


C’est aujourd’hui le tour de Piotr Beczala, dont le Faust a montré la proximité avec le répertoire français. Il n’a pas le timbre sombre et le côté ténébreux de Kaufmann, la projection insolente et le côté solaire d’Alagna. Son Werther est autre : consumé, mais pudique, introverti, d’une jeunesse délicate et blessée, faisant parfois penser à ce Lenski qui lui va comme un gant. Un peu timide au premier acte, il s’épanouit à partir du deuxième, timbre clair, tessiture homogène jusque dans l’aigu, phrasé scrupuleusement modelé, articulation tout à fait digne d’éloge. Poignants troisième et quatrième acte, où le Lied d’Ossian reste un lied plus qu’un air d’opéra, où l’émotion n’est jamais outrée.


On ne le trouve pas, du coup, totalement assorti à la Charlotte d’Elīna Garanca. Vocalement, une belle performance : elle déploie les orgues de son grand mezzo, au timbre à la chair généreuse, à l’aise dans les moments les plus tendus, avec un phrasé parfois somptueux. Au risque d’être trop monolithique, de lorgner du côté d’Amnéris, la fragilité du personnage lui échappant... comme ses syllabes. Ceci, d’ailleurs, explique peut-être cela : Sophie Koch ou Karine Deshayes étaient plus authentiques. On admire beaucoup, en revanche, la Sophie d’Elena Tsallagova, fraîche et fruitée, légère mais pas ténue, en rien mièvre surtout. Stéphane Degout, par sa noblesse et ses nuances, rapproche Albert de Werther, époux mal aimant et mal aimé. Les rôles secondaires tiennent bien leur rang, même si Paul Gay ne fait pas oublier, en Bailli, la présence débonnaire et chaleureuse d’un Alain Vernhes.


Le jeune et prometteur Giacomo Sagripanti, attendu dans Le Barbier de Séville, a le mérite d’avoir remplacé Michel Plasson quelques jours avant la première. Autre école, autre approche. On lui reconnaîtra un sens du théâtre, sans lui reprocher d’annexer parfois l’œuvre au vérisme. Mais sa direction ne parvient pas, au premier acte, à bien équilibrer les plans sonores et à assurer les enchaînements avec naturel. Malgré quelques lourdeurs ou quelques brutalités, elle devient beaucoup plus homogène ensuite, surtout à partir du troisième acte, quand l’œuvre cesse d’être un opéra comique, visiblement stimulée par les déchaînements de la passion. Cela dit, que l’Opéra de Paris n’ait pas trouvé dans l’Hexagone un chef familier de l’œuvre, qui en aurait préservé l’esprit et l’unité, laisse pantois.



Didier van Moere

 

 

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