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Nouveaux horizons

Strasbourg
Palais de la musique et des congrès
01/07/2016 -  et 9 janvier 2016
Leonard Bernstein : Divertimento
William Walton : Concerto pour violon et orchestre
Manuel de Falla : El sombrero de tres picos

James Ehnes (violon), Ana Gabriella Schwedhelm (soprano)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Carlos Miguel Prieto (direction)


C. M. Prieto (© Lorena Alcaraz Minor)


Ce concert nous fait découvrir deux personnalités musicales peu souvent présentes sur les réseaux musicaux français voire européens. Carlos Miguel Prieto est mexicain, formé à Princeton et Harvard : une élégante silhouette dégingandée, d’un abord amène et invariablement souriant... Directeur depuis 2007 de l’Orchestre symphonique de Mexico, il est aussi habitué de phalanges américaines (Boston, Cleveland, Chicago) dont les noms prestigieux laissent préjuger d’un brillant niveau. On connaît peut-être mieux aujourd’hui en France le violoniste canadien James Ehnes, mais surtout grâce à quelques disques fabuleux dont la réputation l’a précédé (notamment des concertos de Chostakovitch, Mendelssohn, Britten, Barber... de toute beauté).


Ces sonorités souveraines que l’on peut entendre au disque nous laissaient attendre un phénomène d’une ampleur inusitée. Or en réalité l’autorité n’est pas immense. Le son est plus fondu que tranchant, presque entre le violon et l’alto, toutes considérations de tessiture mis à part. L’exceptionnel est plutôt à rechercher dans l’extraordinaire richesse du timbre, extrêmement luxueux voire onctueux, avec le concours d’un instrument qui paraît vraiment singulier (un Stradivarius de 1715, qui appartint notamment au violoniste et compositeur belge Martin-Pierre Marsick). Le Concerto pour violon de Walton est restitué avec une aisance et une sérénité qui en font oublier la virtuosité (le commanditaire n’était rien moins que Jascha Heifetz, qui en a laissé une interprétation fulgurante). On reste surtout attentif à la splendide continuité des phrases, en dialogue avec un orchestre qui rend justice à la complexité d’un jeu concertant qui peut parfois sonner décousu si on ne le maintient pas constamment sous forte tension. Ici, aucune inquiétude : chef et violoniste se connaissent bien et les échanges sont à la fois ludiques et précis. En bis, retour à Bach pour James Ehnes : l’Allegro de la Première Sonate, détaillé minutieusement malgré un tempo extrêmement rapide, et le troisième mouvement de la Troisième Sonate.


En début de concert, Carlos Miguel Prieto prend brièvement la parole pour dédier ce programme « au Maestro Pierre Boulez », récemment disparu. L’intention est sincère mais au vu de la pièce d’ouverture, le pimpant Divertimento de Leonard Bernstein, on peut trouver que ce concours de circonstance décale plutôt malicieusement la pertinence de l’hommage. Aucune vertu boulézienne, et en particulier absolument rien de progressiste ni de cérébral, dans cette musique de pur plaisir, écrite par Bernstein à l’intention du Boston Symphony Orchestra pour ses 100 ans d’existence. En un petit quart d’heure de musique et une dizaine de pièce brèves tout s’y dit sur le ton du pastiche, de l’exercice de style brillant, le but étant évidemment de mettre tout à tour en valeur les pupitres de la formation d’élite dont on célèbre l’anniversaire. En l’occurrence l’Orchestre philharmonique de Strasbourg relève magnifiquement le gant, en faisant valoir ses qualités propres. Les fanfares introductives manquent un peu de l’électricité que le compositeur lui-même savait insuffler à ses interprétations, mais ensuite, à un tempo en général un peu plus posé, chaque volet se construit avec beaucoup d’efficacité et de brio, jusqu’à la rutilante marche finale, « The BSO forever » avec tous les cuivres debout, pour faire monter encore la bonne humeur générale de quelques crans.


Le ballet intégral du Tricorne donné en seconde partie va permettre encore davantage à Carlos Miguel Prieto de laisser libre cours à un tempérament tout à la fois opportunément latin et toujours précis, relayé par une gestique extrêmement lisible voire un engagement physique très fort (on n’avait plus vu depuis longtemps d’aussi beaux mouvements de jambe et sauts sur un podium, si ce n’est justement dans nos vieux souvenirs de Leonard Bernstein, les jours de grande surexcitation). S’agissant d’une partition chorégraphique une telle exubérance ne paraît pas incohérente avec le sujet, et de toute façon elle maintient l’orchestre dans un état de vigilance voire d’hyper-réactivité nerveuse propice à de beaux exploits. Même les passages de pantomime où le discours se fragmente n’accusent aucune baise de régime, quant à la Danse du Meunier et la Danse finale, ce sont de fantastiques moments de trépidation rythmique que Prieto sait souligner avec une joie de diriger très communicative. Comment chauffer l’Orchestre philharmonique de Strasbourg à blanc ? Aucun problème, il suffira de réinviter plus souvent Carlos Miguel Prieto ! Ajoutons que la moyenne d’âge de la phalange strasbourgeoise, en nette diminution en ce moment, et surtout son degré croissant de compétence technique, devraient de toute façon favoriser la récurrence de plus en plus fréquente de ce genre d’événement majeur.


Mais ce n’est toujours pas fini. En bis l’orchestre se lance dans une tonique zarzuela, toutes castagnettes dehors : cinq minutes de pure exaltation dansante ibérique, furieusement dirigée par un chef qui va même jusqu’à se tourner de temps en temps vers la salle pour lui faire remarquer d’un geste tel ou tel détail amusant (dont un percussionniste qui tape sur une casserole avec une cuiller en bois). Renseignement pris, il s’agissait du Premier Entracte de La boda de Luis Alonso de Gerónimo Giménez. Applaudissements frénétiques puis même standing ovation: ce qu’on appelle un très vif succès !



Laurent Barthel

 

 

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